Soirée tranquille... ou pas.

La chute en bas de la goutière avait été rude. Après que le couteau de Séphiel l'ai frôlé, lui entaillant profondément la joue, Vaem avait préféré lâcher la gouttière et faire une chute de 5 mètres plutôt que de risquer d'être épinglé comme un instect, et s'était royalement vautré, mangeant les branches d'un arbre avant d'attérir durement sur le sol. Il y était resté étendu une poignée de minutes, le temps d'absorber la douleur, de vérifier qu'il n'avait rien de cassé, puis avait péniblement roulé sur le côté avant de détaller dans le jardin comme un lapin, se dirigeant à l'instinct vers le seul endroit qu'il connaissait d'où il pouvait potentiellement se barrer de la résidence.
Sans demander son reste, il se hissa sur le mur et se laissa tomber de l'autre côté avant de galloper au travers de la ville, laissant Nico et tous les Sawada derrière lui. Il ne lui avait fallut guère de temps pour trouver de quoi se débarasser du bracelet traceur qui ornait encore son poignet. Nico lui avait demandé de fuir... il le faisait. Et bien. Sans se soucier de la lame qui entaillait sa peau, il sectionna le bijou et le jeta à la mer avant de prendre la direction opposée, le poing toujours serré sur le collier à l'émeraude. Il avait tout juste eu le temps d'embarquer les pierres qu'on lui avait donné, de jetter trois affaires dans un sac, et de déguerpir.

Son premier réflexe avait été d'aller se planquer, de se faire oublier un moment, de se terrer quelque part loin de tout ça, le temps de digérer les derniers évènements... l'agression, la réaction de Nico, la mise à mort ordonnée par Séphiel... ça faisait beaucoup en une soirée.
Installé dans une de ses planques, il avait dormit un long moment pour récupérer, et s'était réveillé avec le moral, relativisant comme toujours au point de ne s'attacher qu'aux bons côtés de la chose : il était libre, il n'avait plus de Sawada sur le dos (s'il se faisait assez discret), personne ne le savait en vie, et il avait la possibilité de tout reprendre à zéros...
Pourquoi se plaindre ?
Planquant les pierres dans un endroit connu de lui seul, il finit par quitter sa planque au bout de quelques jours, le collier à l'émeraude profondément enfoncé dans sa poche, et s'était glissé dans la ville tandis que le soir descendait sur la ville. Il lui fallut deux bonnes heures pour faire le tour des bars les plus éloignés de sa planque, mais aucun ne cherchait d'employés, aussi se retrouva-t-il finalement instalé sur un banc dans le parc, les jambes croisées sous lui, un sandwich dans les mains et un petit sourire aux lèvres. La soirée était douce, il était libre...
C'était bien...

Le jeune homme avait donc parcourut le quartier nord de la ville en long, en large, et en travers, évitant soigneusement d'aller postuler trop près de la mer (Nico connaissait ses afinités avec cette dernière et l'y aurait certainement cherché), pour se concentrer sur des jobs de nuit, et avait finalement fait choux blanc. S'obligeant à un grand détour pour esquiver le Luxurious (là aussi, trop de possibilités qu'on le reconnaisse, après tout, il appartenait "encore" à Kioshi...) il avait gagné un parc dans lequel il s'était confortablement installé pour déguster son premier repas de la journée, attaquant le sandwich à pleines dents avec un appétit qu'il n'avait pas ressentit depuis des mois.
La liberté... ça creuse. Et pas qu'un peu.

Alors qu'il attaquait joyeusement son second sandwich saucisson, salade, thon, crudités, mayo, carottes, steack, un bruit au dessus de sa tête le mit sur ses gardes. Légèrement nerveux, il abaissa lentement son repas et décroisa les jambes, prêt à prendre la poudre d'escampette à la moindre alerte, regrettant de n'avoir pu se fournir en lame durant les derniers jours. Sans cran d'arrêt, il se sentait légèrement démuni d'un coup...
Prudent, il se redressa, essayant d'afficher un détâchement qu'il était loin de ressentir. Tous les sens en alerte, il tenta de repérer le bruit qui l'avait fait stresser, mais ce dernier ne se reproduisit pas.

Il allait mordre de nouveau dans son sandwich, se maurigénant pour sa paranoïa, lorsqu'un corps lourd tomba du ciel.

D'un bond, le jeune hôte fut sur ses pieds, le repas oublié et le corps déjà tendu vers la fuite, et si n'avait été la posture ridicule du nouvel arrivant, nul doute que Vaem aurait décampé. Mais un membre de la mafia, aussi incompétant soit-il, ne se serait pas cassé la gueule d'une telle façon. Visiblement, c'était juste un jeune abrutit ayant voulut se prendre pour un oiseau...

Vaem se détendit.
Il se laissa même aller à sourire. Puis a rire un peu, avant de proposer une main secourable au nouveau venu pour lui permettre de se relever. L'autre était un peu plus grand que lui, 5cm tout au plus, yeux bleux, cheveux argent - décidément, c'était la mode - carrure un peu plus développée que la sienne mais pas tant, pas degueulas à regarder... un type banal dans cette ville de dingue où tous les visages d'ange semblaient s'être donnés rendez-vous pour bosser soit au Luxurious, soit dans une boîte quelconque de la ville.
Note donc : se montrer prudent.
Après avoir aidé le jeune homme à se relever, le garçon aux yeux émeraudes se laissa retomber sur son banc, une expression amusée sur le visage.

- On joue aux oiseaux ? (il donna un coup de dent dans son sandwich retrouvé) Pas trop de mal ?

L'homme oiseau s'était donc gentiment splatché près de son banc, et il l'avait laissé délirer un peu avant de lui tendre la main pour lui proposer son aide afin de se redresser. L'autre n'avait visiblement aucune blessure grave (mis à part peut-être à la tête vu ses paroles) aussi Vaem s'était-il laissé retomber sur son siège et avait attaqué à belles dents la seconde partie de son repas.
Il mâchonnait soigneusement une bouchée de son sandwich lorsque l'autre lui sortit une question qui manqua de le faire avaler de travers.

Non... sérieux ?...

Les yeux verts de l'ex-hôte se levèrent sur son compagnon du soir, emplits d'une profonde perplexité.

Un sourire innocent dansait sur le visage de son interlocuteur, si bien que le jeune homme était bien en peine de savoir si l'autre se moquait de lui ou s'il était simplement à côté de ses pompes. Voir un peu débile. Mais bon ça... fallait pas le dire tant qu'on connaissait pas les gens...
Fronçant légèrement les sourcils, Vaem prit le temps d'avaler, d'une nouvelle bouchée, puis d'une nouvelle déglutition tout en réfléchissant à la réponse la plus appropriée à ce genre d'âneries.

-... T'as pris un coup en trop sur la tête ?

Le garçon aux yeux verts avala encore une bouchée de pain.

- Enfin bon, si tu veux vraiment une explication, tu remontes dans l'arbre et tu ressaute... en essayant de te fendre le crâne cette fois-là. Non ?

Un léger sourire moqueur dansait sur les lèvres de l'ancien hôte qui retrouvait petit à petit son assurance d'antant. Libre, sans personne sur le dos, en dehors du système, il pouvait de nouveau être lui, soit un tas d'os pas très grand, trop maigre, tout en muscles et assez sûr de lui se permettre ce genre de réfléxions sans connaître les capacités de l'autre.
L'air détendu, il remballa son repas et le glissa dans son sac, avant de se pencher en avant pour poser ses coudes sur ses genoux.

- ... Et sinon... tu niches souvent dans les arbres comme ça ?