Trop de chaleur... [ LIBRE ]

La joie qui transfigura le beau visage d'Arkalya rassura Nico. Un court instant, il avait craind que ce ne soit pas suffisant. Ses yeux retombèrent sur Vaëm, alors qu'une pensée fugitive notait que pour lui, ça n'aurait certainement pas suffi. Les pupilles bleues détaillèrent le corps légèrement tremblant et surtout ce sang qui coulait doucement. Pas besoin de porteur ? Même un idiot total pourrait affirmer le contraire.
Les paupières légèrement baissées, Nico lança un regard moqueur à son jouet avant de se redresser pour passer ses lunettes. Il aimait décidément ces verres fumés. Personne ne pouvait voir son regard ni ce qui s'y passait. C'est ainsi qu'il put suivre, amusé, les mouvements empressés d'Arkalya, s'écartant juste un peu pour ne pas être pris dans la tornade.

Distrait par l'hôte, le jeune mafieux détourna son regard pour observer l'ensemble de la plage, se surprenant à remarquer certains détails étranges. Tout semblait si paisible...des cris d'enfants, des rires...des cris de couples fâchés, de petit frère ou petite soeur embêtés par un aîné.
C'était...nouveau.
Pas qu'il ait jamais pu assisté à ce spectacle, mais ce dessin le dérangeait à chaque fois. Comme s'il était la mauvaise note de cette partition, la traînée défigurant le tableau. Les gens évitaient soigneusement leur petit groupe, même si certains n'en avaient cure, ignorants ou bravaches.

Il secoua la tête à la demande entraînante d'Arkalya. Oui...on y allait. Une de ses mains se déporta jusqu'à sa poche pour en sortir son inséparable téléphone. Un gamin passa en courant, peu attentif et le bouscula suffisamment pour que le précieux appareil chute sur le sol. Se souciant peu de cet enfant, Nico se baissa automatiquement, toujours un peu dans ses idées, pour attraper son téléphone.
C'est là qu'il sentit une masse s'effondrer sur lui.

L'héritier tenta de se rattraper, lâchant une nouvelle fois son téléphone pour appuyer sa main sur le sable et essayer de rapidement s'éloigner. La machine de combat en lui reprit ses pleins droits alors qu'il s'effondrait sur le sol en une douloureuse torsion du poignet. Ses doigts se replièrent rapidement pour écarter d'un coup de poing ce danger encore non identifié. Roulant ensuite sur le sol pour se relever aussitôt, Nico regarda autour de lui, vaguement conscient de ses gardes du corps qui l'entourèrent rapidement. Ses sens se concentraient en cet adversaire allongé sur le sol, guettant le moindre mouvement.

Puis la surprise disparut et l'aîné Sawada nota enfin la peau cuivrée et rougie par le sang. Les grands yeux verts qui s'élevèrent, envoutants, douloureux,achevèrent de le convaincre. Il s'engueula mentalement, se reprochant cette réaction de débutant, puis affronta ce visage accusateur, rassemblant en une expression tout ce qui avait plu à Nico. Ce regard qui ne se baissait pas, ces larmes qui ne coulaient pas...cette fierté que Vaëm avait en lui.
Il fallait bien ça pour supporter Nico.

La voix le pénétra totalement. Un coup qui le prenait au ventre, lui donnant envie de se plier en deux sous l'assaut des ressentis. Ce n'était même pas les paroles, ni ce tutoiement agressif. Non. Juste ce son grave, doux et cette violence latente. Mais il ne plia pas, au contraire. La signification des mots le heurta alors, le faisant vibrer d'arrogance bafouée et un peu, perdu tout au fond de lui, de tristesse à se savoir vu ainsi.
Ses doigts se déplièrent lentement alors qu'il observait Vaëm se relever à l'aide d'un des hommes. Le sang coulait, l'hypnotisant par sa couleur carmin sur la peau de miel alors qu'il tendait la main pour recevoir son téléphone d'un autre de ses gardes-du-corps. Ceux-ci ne s'étaient d'ailleurs toujours pas écartés, positionné en un groupe presque parfait. D'une main, Nico brisa le cercle, ignorant royalement Vaëm.

Il n'y aurait pas de répliques. Pas d'excuses. Rien. On ne considérait pas un objet. Ah. Si. Froid, même si son expression était dissimulée par ses lunettes, Nico se rapprocha de Vaëm et appuya consciemment à un endroit précis qui, il le savait, faisait encore souffrir son jouet.
Arkalya était oublié.

Blessé, mais refusant de se l'avouer et préférant l'expression rigide de sa position, l'héritier Sawada partit en direction du port, faisant un signe pour que ses hommes emmènent bagages et les deux hôtes. L'image offerte par Vaëm était ancrée en lui alors que son doigt glissait sur l'écran jusqu'à appeler les responsables de son bateau.
Ses pieds glissaient dans le sable à une vitesse soutenue, obligeant un des garde-du-corps à presque courir pour pouvoir se tenir légèrement devant lui.
Il s'en fichait.

« ...dites-lui de me rendre mon bateau sur le champs. Non, elle ne doit pas encore être partie vu l'heure de ses réveils alors dépêchez-vous un peu ! »

Ciaira et sa manie de dormir n'importe où. Sur son bateau...enfin au moins ce n'était pas chez lui.

«  Je m'en fiche qu'elle ait demandé à ne pas être dérangée ! Dites-lui de se bouger sinon je la jette moi-même dans l'eau. Qu'elle soit habillée ou non ! Et dites-lui aussi que son compagnon a intérêt à être loin quand j'arriverai.»

Sur ce, il raccrocha et diminua le rythme de ses pas. Après tout il y avait un objet fragile à transporter.

[Bon ben pour mon dernier message, j'inaugure le rp a la troisieme personne!]


Arkalya n'avait rien vu de toute la scene qui s'était déroulé dans son dos tandis qu'il réunissait encore quelques affaires ici et là, qu'il époussetait son tee shirt et pantalon afin d'en enlever le sable qui s'y était loger. Il souffla de résignation en voyant que les grains de sable s'attaquaient maintenant à son visage.

*Gééniaal! J'ai pas l'air con comme ça...*

Ayant enfin toutes ses affaires pretes et a peu près propre, il se retourna vers ses deux compagnons, et observant la scene qui se presentait a ses yeux, sans paraitre comprendre grand chose. Il écarta ses mèches de devant ses yeux puis décida de passer outre ce qui se déroulait sous ses yeux, les gardes encadrant Vaem, leur visages bizarrement devenu menaçant, et Nico s'éloigna à grand pas, pour virer de son bateau une fille, peut-etre sa soeur, qui apparemment le mettait dans un état de grande colère.

Arkalya s'apprétait à aller le rejoindre , lorsqu'il sentit soudain son coeur battre à tout rompre , et il fut comme déconnecté de ce qui l'entourait, pour etre remplacé par une grande impression de vide, et l'image furtive de sa soeur lui apparut, lui arrachant une grosse douleur, comme si on lui avait arraché une partie de lui-même. Puis cela cessa aussi vite que cela arriva, et il revint au moment present, lorsqu'il entendit son portable sonner à son tour. Intrigué, il le sortit de son sac, et se dessina une expression figée sur son visage. Le numéro du "Centre hospitalier" s'affichait sur l'écran d'appel. Un sombre et horrible pressentiment l'envahissait, et se décidant enfin à décrocher, une voix masculine lui répondit:
"Monsieur Feedemone? Ici le médecin général, ayant pris en charge Mlle votre soeur. Toute l'équipe et moi-même avons fait tout notre possible afin d'assurer la survie de votre soeur, mais malheureusement nous n'avons pas pu la sortir de sa derniere crise. Nous sommes sincèrement désolé, mais votre soeur a rejoint le ciel.. Toutes nos condoléances M.Feedemone. Nous vous attendons au centre hospitalier, pour plus amples informations. Au revoir.."
Arkalya n'avait pu articuler le moindre mot durant toute cette macabre annonce. Son visage avait à présent atteint une paleur cadavrélique, et son regard était vide, tout comme son coeur. On lui avait arraché la partie la plus importante de sa vie. Sa moitié, son ame, sa soeur, sa raison de vivre n'es plus. Il avait une intense envie de hurler toute sa peine, de la sortir de son corps, de se débarrasser de cette blessure , et surtout de cette culpabilité déchirante. Pourquoi, lui, avait survécu?? Mais il en était incapable, toute sa souffrance s'était renfermé en lui, et une seule larme perlait à ses cils témoignant de cette déchirure.

En Arkalya le coeur laissa alors la commande au corps, qui se dirigea à pas lents vers le petit groupe, dont les gardes s'étaient éloigné un peu, laissant Nico et Vaem presque sans surveillance. S'arrétant devant Nico, il leva un visage défait mais sur lequel flotter un léger sourire triste et murmura:

"_Nico, je dois vous laisser, tous deux, je ... dois partir. Je suis désolé mais ce n'est pas un au revoir, plus un adieu qu'autre chose...je t'adore, et j'ai été très heureux de t'avoir rencontré, et... d'avoir été ton ami.."

Arkalya, ne tenant cure des gardes qui de toute façon ne leur accordait pas d'attention, s'approcha de Nico et l'enlaça, lui posant un léger baiser de ses lèvres glacés. Arkalya ne prit pas la peine de lui expliquer, car il savait que le mafieux n'avait qu'à pianoter son téléphone pour etre informé de ce qui été arrivé à Arkalya. Lui adressant un dernier regard d'où se lisait toute la tristesse du monde, il s'approcha a present de Vaem , et s'agenouilla pres de lui:

"_Adieu toi aussi, je dois m'en aller..le jour où l'on s'es enfin parlé es malheureusement aussi le jour qui signifie une fin...un conseil, ne te laisse pas autant faire et laisse parler cette flamme dans tes yeux lorsque tu regarde Nico...J'ai été heureux de t'avoir rencontrer.."

Il se pencha pour l'embrasser doucement sur le front et se releva, se sentant soudain extrement lourd de toutes les misères du monde. Il s'éloigna de quelques pas puis se retourna vers Nico et Vaem pour un dernier regard. Si le coeur d'Arkalya n'avait pas été aussi mortellement déchiré, il aurait senti le regret et la tristesse de les quitter définitivement. Puis se retourna enfin pour partir , s'en aller, sans plus un regard en arriere, une autre larme coulait sur sa joue, tandis qu'il se dirigeait vers l'hopital où l'attendait la dépouille de sa soeur..

____


Apres la cérémonie d'enterrement, Arkalya, l'ex hote du Luxurious Club, plia bagage et déménagea, ne pouvant plus supporter les lieux qui avait assisté à la mort de sa bien-aimée Yliana, son amante, et soeur jumelle. Une incertitude demeurait : peut-etre un jour reviendrait-il dans cette ville , lorsqu'il se serait remis...



[Voilà, c'est ainsi que s'acheve le passage d'Arkie dans ce fofow' <3]

Accroché au garde du corps, le jeune homme n'avait pas vu le Sawada se rapprocher de lui et n'avait prit conscience de sa présence que lorsque sa main se posa au creux de ses reins pour faire pression à un endroit encore passablement douloureux pour l'hôte. Son corps s'arqua brutalement tandis que ses yeux s'écarquillaient sous le coup de la douleur et qu'un hoquet s'échappait de ses lèvres.

- Sâle con...

Il avait murmuré l'insulte le visage à moitié enfouit dans l'épaule de l'homme lui servant d'appui et avait manqué de s'évanouir dès que l'héritier avait cessé d'appuyer. Le gros bras qui le tenait fit alors la seule chose qu'il pouvait faire dans cette situation pour suivre son maître : il fit basculer l'hôte de manière à pouvoir glisser son bras sous ses jambes, le tenant contre son torse tout en faisant attention à ne pas lui faire mal.

Il avait ensuite emboité le pas à son patron, marchant avec précaution dans le sable instable.
Et puis l'autre hôte s'était soudain arrêté, et la suite avait laissé tout le monde sans voix, au point que personne ou presque ne réagis lorsque le jeune homme fit ses adieux à Nico, l'embrassa, puis se tourna vers Vaem pour lui faire ses adieux à son tour, le garçon aux yeux verts manquant de justesse de le retenir, ses doigts effleurant la manche d'une chemise qui s'enfuyait. Faible, sa voix tenta d'appeler le jeune homme, mais il était déjà trop tard, il avait disparut au tournant, les laissant derrière sans explications.
Vaem détourna les yeux, se mordant les lèvres.
Pourquoi ?
Pourquoi un départ si soudain ?

Mettant de côté le petit pincement de colère stupide qu'il ressentait en pensant que Nico s'était laissé embrassé par l'hôte, le jeune homme avait finit par fermer les paupières et par se nicher contre son porteur, les lèvres serrées pour empêcher les gémissements de douleur de sortir de sa gorge.
Son esprit tournait à plein régime, ressassant sans cesse ce qui venait de se passer, le brusque départ d'Arkalya qu'il ne comprenait pas, et tout ce qui lui était arrivé depuis un mois, temps depuis lequel il appartenait à l'héritier de la famille Sawada, il s'était laissé emporter sans résistance et sans mot dire, ignorant ce qui se passait autour de lui au profit d'une demi-inconscience protectrice qui le laissait réfléchir sans pour autant le forcer entendre les paroles qui s'échangeaient. La situation n'était franchement pas bonne, et quelque chose lui disait que ça n'allait qu'empirer... après tout, sans l'insistance d'Arka, il serait déjà emfermé, et maintenant que ce dernier était partit pour visiblement ne plus revenir.

Fermant les yeux, le jeune homme s'était laissé transporter jusqu'à la marina, étouffant l'angoisse qu'il ressentait de se retrouver seul sur un bateau en compagnie de l'héritier et l'inquiétude qu'il éprouvait pour l'hôte qu'il connaissait à peine mais qu'il avait rapidement apprécié. Remerciant mentalement un dieu quelconque qui avait eu la bonne idée de mettre assez Nico sur les nerfs pour qu'il ne pense pas à prendre sa voiture (il n'aurait très certainement pas supporté de voyager allonger, que ce soit sur le dos ou sur le ventre) il passa instinctivement son bras droit autour du cou de son porteur, se blottissant un peu plus contre lui, alors que ce dernier gravissait des marches menant à un quais...

[Désolé, c'est carrément médiocre...]

Son doigt se retirait au moment de l'injure qui provoqua un retour aussi fulgurant que rapide. Qu'importe qu'il y ait eu un hoquet de douleur, on punissait même les plus infirmes des bestiaux, pourquoi Vaëm y aurait-il échappé ? Il n'était rien ! Il n'y avait plus qu'un morceau de belle qualité dans la colère de Nico. Une ire qui se tourna bientôt vers le pauvre responsable de son bateau à cause de Ciaira. Non. Il était décidément d'une bien mauvaise humeur.

Ses pas marquaient brutalement le sable lorsqu'un bras le retint, provoquant un volte-face bien peu amical. Dissimulé par les verres sombres, ses yeux assassinèrent l'hôte devant lui avant que les paroles n'atteignent son cerveau bien embrumé. Il..Arkalya...il..partait ?
Non.
Non, ce n'était pas possible.
Avec la rapidité des tsunami, la vague d'incompréhension balaya celle de la colère avant de la nourrir. Sans un mot, l'héritier Sawada monta ses doigts pour toucher ses lèvres, surpris pas ce contact. Bloqué, son esprit constatait à quel point les lèvres d'une autre personne étaient douces, puis l'entière signification tomba sur ses épaules et il s'immobilisa.

«  Arka...lya »

La bouche sèche, il assista au départ brusque de l'hôte qui avait été son premier ami, se focalisant sur ces yeux humides. Il allait pleurer ? Pourquoi ?
En hâte ses mains pianotèrent pour appeler et comprendre alors que la tâche sombre s'évanouissait dans la foule. Un blanc suivit la compréhension avant que Nico ne raccroche et reprenne son chemin.

Il était peut-être sans coeur, mais ça, il pouvait comprendre. De toute manière qu'aurait-il pu faire ? Courir pour espérer le rattraper. Non, c'était inutile. Alors autant continuer, le cerveau vide et les jambes un peu molles, témoignant des sentiments qui c'étaient déjà créé entre Arkalya et lui. Sans regard pour Vaëm. Ca ne l'intéressait pas.

Son rythme reprit sa vitesse de cavale et ils atteignirent bientôt la marina, Nico passant aux côtés de Ciaira sans même s'en rendre compte, plongé dans ses pensées. Mélange de colère et d'incompréhension, celles-ci l'obsédaient. Il monta les marches d'un quai avant de gravir la rampe qui permettait un accès facile à son yatch.

Sans douceur, il arracha Vaëm de son porteur pour le déposer sur un des transats, ne pensant même pas à la quelconque douleur que celui-ci aurait pu ressentir. D'un sec revers de main, il chassa le petit monde de son navire, refusant totalement une présence étrangère. Une ombre passa pourtant outre et se dissimula dans un sombre projeté par l'armature.

Un soupire s'échappa de la bouche du jeune mafieux avant qu'il ne s'attache à exécuter toutes les manœuvres nécessaires pour se perdre en mer. Ses gestes mécaniques assurèrent un moment de calme à son cerveau, concentré sur autre chose que sa pauvre petite personne. L'embrun l'ensorcela un instant avant qu'il ne coupe le moteur, laissant le bateau dériver sur l'étendue bleue pour aller s'accouder à la balustrade.

Il avait même oublié que Vaëm aurait dû être soigné.


[herm, on va faire le paris de qui le dit le plus de fois et avec la plus grande originalité xD Mes excuses pour ce fromage]

« Enfin libre ! ». Ce fut la première pensée qui traversa l’esprit de Shine lorsque l’air parfumé de cette belle journée ensoleillée s’engouffra dans ses narines. Presque deux semaines. Deux semaines qu’il était enfermé dans une chambre, perdue quelque part dans la résidence des Sawada... avec pour seule compagnie une dizaine de bouquins de biologie que son cher père adoptif lui avait balancé à la figure avec fureur. De la biologie... « Rien de plus barbant ! » pesta le jeune homme en se remémorant les quelques lignes qu’il avait lues avant d’avoir été pris d’une irrésistible envie de détruire les ignobles ouvrages qu’il était censé connaître par cœur. Oui. Par cœur. Il se souvenait encore des mots de Nico lorsqu’il l’avait jeté dans cette chambre, les sourcils froncés sous la colère :

« Tu as intérêt à savoir ça sur le bout des doigts quand je reviendrais te chercher ! Je pense que tu ne préfères même pas imaginer ce qu’il adviendra de toi dans le cas contraire ! »

« Pfff, tu parles » ricana Shine en s’élançant dans les rues fourmillantes tout en évitant soigneusement de croiser tout autre regard humain. Comme s’il n’avait que ça à faire, de rester enfermé à attendre sagement que Nico daigne le libérer, tout ceci en travaillant de la biologie... même pas en rêve !

Un sourire étira ses lèvres lorsqu’il pensa au mafieux et à la tête qu’il ferait s’il savait qu’il s’était échappé... encore une fois. Il serait en colère, sûrement. Il le punirait, cela ne fait pas l’ombre d’un doute !
D’ailleurs... où est-ce qu’il pouvait bien être, ce Nico ? Cela faisait deux semaine –depuis son enfermement forcé en fait- que Shine ne l’avait pas vu en face. Oh, il avait bien entendu sa voix, de temps à autre, ou encore reconnu sa démarche, son pas typique, mais rien d’autre. Qu’est-ce qu’il manigançait ? Et surtout, quand avait-il l’intention de le libérer de sa captivité ?

La tête pleine de questions, Shine poursuivit sa route, direction la plage. Bien trop de jours s’étaient écoulés depuis qu’il avait contemplé l’étendue d’eau se froisser sous une légère brise pour la dernière fois. Une éternité, même. En chemin, il déroba quelques douceurs chocolatées, se régalant de la sensation qui engourdissait sa langue lorsque les sucreries fondaient dans sa bouche. Les joues encore gonflées de ces merveilleux aliments dont il raffolait, le jeune homme ne tarda pas à atteindre la plage, après avoir traversé une bonne partie de la ville. Il se débarrassa de ses chaussures. Ses pieds, à présent nus, s’enfouirent dans le sable tiède. Il inspira une grande bouffée d’air, heureux d’être enfin libre. Après tout, il n’était pas un animal docile qu’on pouvait mettre en cage en espérant décemment qu’il ne broncherait pas. Non mais !

Shine balaya d’un air méprisant les nombreux corps étendus autour de lui tout en progressant pour s’approcher de l’eau. S’il avait pu tous les exterminer afin de profiter seul de l’endroit, il l’aurait fait. Mais ce n’était pas un acte des plus éthique, alors... il s’abstint, malgré la démangeaison qui envahissait ses phalanges.
Lorsqu’il atteignit l’étendue bleue, il retroussa son jean et plongea ses fines jambes dans le liquide rafraîchissant. Il ferma les yeux, savourant le contact contre sa peau. Mais cela ne dura pas longtemps. Des regards lourds de sens couraient sur son corps et il ne le supportait pas. Cela le dégoûtait au plus haut point. Injuriant les hommes qui osaient souiller sa personne de leurs regards avides et sales, il s’éloigna en direction de la marina, pressé de se débarrasser de ces vieux pervers.
Alors qu’il se fondait dans la foule, une idée germa dans l’esprit de Shine. Le bateau de Nico. Son yacht, sur lequel l’héritier de la mafia lui avait toujours formellement interdit de monter. Il pourrait y faire un tour. Oui, décidément, c’était une bonne idée.
Le jeune homme pressa le pas, impatient de découvrir l’édifice flottant qui lui avait été refusé à maintes reprises. Le goût de l’interdit sur le point d’être bravé s’infiltrait dans sa bouche, délicieux, tentant... étourdissant.

Un très bel homme aux cheveux blancs le bouscula alors qu’ils se croisaient. Shine le fusilla du regard avant de faire volte-face et de se figer, un sourire malicieux collé aux lèvres. Nico se trouvait en face de lui, à quelques mètres. Le jeune fugitif suivit son père adoptif à pas-de-loup, déployant tout son talent pour ne pas se faire remarquer. Ce ne fut pas difficile, l’homme semblait perdu dans ses pensées et en tout cas pas apte à détecter sa présence. Pure coïncidence ou monstrueux coup de bol, le mafieux grimpa à bord de son yacht, dont il ne tarda pas à chasser toute âme vivante. C’était l’occasion rêvée pour l’emmerder. Shine en profita pour se glisser à bord, bien décidé à pousser le jeu jusqu’au bout. Il se cacha dans l’ombre, observant l’héritier éloigner le bateau du port, éteindre le moteur et laisser dériver l’appareil au gré du vent. Le mafieux s’accouda à la balustrade, l’air ailleurs.
Le squatteur saisit l’occasion et se déplaça dans la cabine. Curieux, il fouilla la petite pièce du regard. Rien de spécial. Le tout formait un ensemble très sobre, assez impersonnel.

L’atmosphère était silencieuse. Bien trop silencieuse. Comme il s’ennuyait un peu, Shine décida d’agir. Il fouina, dans la plus grande discrétion, dans les quelques tiroirs qui se trouvaient en face de lui et ne tarda pas à trouver son bonheur : une douille. « ça fera parfaitement l’affaire ! » souffla-t-il.
Il respira un grand coup et mit le moteur en marche. Il grimpa ensuite rapidement sur le toit de la cabine, puis s’assit sur la rambarde qui entourait le petit espace. Balançant ses jambes dans le vide, le jeune homme attendit une réaction de son père adoptif, toujours appuyé sur la barrière, le visage au-dessus de l’eau. Quand le mafieux sembla enfin se rendre compte que son yacht se déplaçait à une vitesse anormale pour un appareil au moteur sensé être éteint, Shine lança la douille de toutes ses forces en direction de sa cible. Le petit objet métallique s’écrasa sur l’arrière du crâne de Nico, sous le regard satisfait du gamin toujours perché sur sa rambarde, fier de son coup. C’était puéril, oui. Mais ça l’amusait. Enormément.

D’une voix emplie d’innocence feinte, et tout sauf crédible pour une personne le connaissant sur le bout des doigts, il susurra :

"-Je t’ai manqué, hein ? Avoue !"

La réaction à sa pique ne se fit pas attendre. Shine, de plus en plus réjoui, satisfait de son entrée en scène, répliqua de suite au regard de son cher père :

"-Même pas un petit peu ? Tu es sûr ? Hm, c’est qu’il serait timide, en plus, le mafieux!"

Voyant que la provocation était suffisante pour mettre ledit mafieux hors de lui –et craignant quand même un peu pour sa survie, il s’apprêta à esquiver les foudres de son interlocuteur, qui ne tardèrent d’ailleurs pas à s’abattre sur lui. C’est ainsi qu’il dût se dérober à deux lames tranchantes qui sifflèrent à ses oreilles lors de leur passage. Il évita sans problème la première et fit du mieux qu’il put pour ne pas se faire transpercer par la seconde, sachant pertinemment qu’il ne pourrait pas totalement l’esquiver. Elle effleura son épaule, entaillant au passage sa chemise et sa chair. Il ne broncha pas pour une blessure aussi insignifiante et défia son agresseur du regard, content de la réaction occasionnée par son apparition tonitruante.
Shine se dressa sur ses pieds, en équilibre sur la barre froide, et quitta un instant son adversaire des yeux pour regarder où s’étaient plantés les deux couteaux. Ses prunelles brunes ne s’attardèrent pas sur les lames, mais plutôt sur le jeune homme, allongé sur un transat, qui le fixait lui aussi, sans aucune expression dominant ses traits. Une pointe de jalousie germa dans l’esprit du jeune garçon perché sur sa barre. « Mais c’est qui ce gars ? Qu’est-ce qu’il fait là ??? ». Shine, un instant décontenancé, reforgea vite son masque d’impassibilité et détourna le regard afin de poursuivre son duel avec le mafieux, ignorant royalement l’intrus qui squattait le yacht, alors que lui, le propre fils adoptif de Nico Sawada, n’avait pas le droit d’y mettre les pieds, nom d’un chien !

La mine renfrognée, le jeune homme bougonna « c’est qui ce type ? » en désignant dédaigneusement l’intrus de la tête. Avant même que son vis-à-vis n’ait le temps de répondre, il enchaîna avec toute une série de questions et d’exclamations, plus pour entretenir l’agacement de son cher père adoptif que pour obtenir des indications :

"-Pourquoi est-ce que cet inconnu a le droit de venir ici ? Hein !? Et d’abord... pourquoi moi j’ai pas le droit de venir ? Tu comptais me laisser croupir dans cette chambre pendant combien de temps, hm ? s’exclama le gamin en croisant les bras sur son torse tel un enfant gâté.

-Et... et... et..., poursuivit-il, mais attends..."

Une large moue narquoise éclaira le visage de Shine lorsqu’il prononça ces derniers mots d’un ton faussement indigné :

"-Ne me dis pas que tu comptais partir en douce avec cet... homme pour t’envoyer en l’aire pépère ? Et moi alors ? "

L’expression de Nico lorsqu’il eut fini son discours le contenta pleinement. Il avait atteint son objectif. Ce pourquoi il avait suivi l’héritier. L’emmerder royalement. "Mission accomplie !".


[Ok, je suis le mouvement: Je m'excuse pour ce ramassis de conneries que je viens de pondre =)]

Perché sur la barrière où il s'était installé après avoir arrêté le bateau, Nico observait l'écume blanche des vagues. La couleur lui rappelait un autre blanc, plus touffu, au-dessus d'yeux charmeurs et narquois. Il posa sa main sur son téléphone, se demandant s'il était encore possible d'atteindre Arkalya avant de la baisser. Même si l'envie était grande, le choix de son ami passait avant le reste.

Il allait regretter ces quelques jours d'initiation. L'amitié resterait encore une vaste plaine étrangère. Il n'était pas sûr d'avoir encore envie de s'y essayer. Après tout, ce départ tombait malheureusement à pic. Avec les mots de Kenji. Tout se mêlait et s'arrangeait pour qu'il se plie aux ordres de son père. Peut-être était-ce réellement son destin, devenir le prochain Oyabun, être cruel, ne jamais montrer ses sentiments...

Il n'en avait pas envie, mais que restait-il pour le retenir ? Arkalya n'était plus là, ses frères...ses frères devaient le haïr au fond. Quel piètre grand frère il avait fait. Jamais présent, toujours froid. Au fond, il le regrettait énormément. Restait Vaëm, oui, mais Vaëm n'était rien. Un humain devenu esclave. Nico n'aurait certainement jamais confiance en lui, même si cet hôte avait par deux fois déjà vu ses larmes. Peut-être était-il temps d'abandonner. Au moins son père serait content.

Plongé dans ses pensées, Nico constata pourtant rapidement l'avancée du bateau. Il était pourtant certain de l'avoir arrêter. Est-ce que Vaëm ? Se retournant, il ne fut pas assez rapide pour éviter l'objet qui lui heurta violemment le crâne. Aussitôt son regard se porta sur l'imbécile qui avait osé faire ça. Son regard vira au noir.

«  Shine... »

Qu'est-ce que ce petit impertinent faisait ici ? Les mots l'impatientèrent rapidement. Nico était déjà sur les nerfs, malgré l'impassibilité de son visage. Rapidement il dégaina et envoya deux poignards sur son fils. Le mouvement fluide était calculé pour tuer, heureusement le plus jeune put éviter les lames qui se perdirent auprès de Vaëm.

Heureusement ? L'héritier Sawada hésita franchement à ne pas renvoyer une salve. Rien que pour le faire taire. Se maitrisant, il préféra aller éteindre le moteur, laissant Shine à ses divagations provocantes. Et plus qu'énervantes...un bain....oui, un bain d'eau glacée serait approprié en cette occasion.

Nico gravissait rapidement l'escalier pour rejoindre son idiot de fils quand Vaëm décida de postuler au concours du meilleur emmerdeur. Oh, il avait certainement une meilleure raison, mais l'héritier le prit ainsi, avant de s'assombrir. Une partie à trois ? Avec Arkalya ? Avec Shine ? Les yeux glacés se tournèrent vers le jeune hôte. Un mépris profond s'installa dans sa voix, dans ses paroles et son attitude :

«  Si tels sont tes désirs, je peux y remédier. Arkalya n'aurait jamais accepté de te forcer, ni Shine ici présent. Tais-toi si ce n'est que pour lancer des affabulations déshonorantes. »

Il finit ensuite de rejoindre Shine, se détournant de Vaëm. Nico ne pouvait supporter cette idée donnée d'Arkalya, et Vaëm ne supportait pas encore tous ses coups. Alors autant se tourner vers son fils, assez adroit pour lui résister.

Le premier coup parti sans attendre, visant directement le ventre. Sans étonnement le plus vieux se vit éviter. Et la valse commença. Les coups pleuvaient des deux côtés, pluie de douleur dont les gouttes demeuraient évitées. Ils se connaissaient. Trop bien pour espérer réellement surprendre leur adversaire. Mais Nico gardait un avantage de taille. Il avait tout appris à Shine, lisait le moindre de ses coups, se faisant parfois frapper, mais jamais gravement. La bataille n'était qu'à moitié équitable...ou au trois-quarts.

Repoussant son fils adoptif jusqu'à la balustrade, Nico finit par le saisir au bras et utiliser une projection pour l'éjecter du bateau. Le « plouf » qui suivit lui fut une énorme source de satisfaction. Narquois intérieurement, il resta froid pour dévisager celui qui venait de repercer la surface de l'eau.

«  J'espère que tu aimes nager. Shine. »

Calmement il descendit, décidé à donner une frousse au désobéissant. L'eau était glacée, profonde. Au mieux le jeune adulte pourrait y tenir une heure, avec un peu de chance.
...
Nico enclencha le moteur et s'éloigna, abandonnant le garde-du-corps. Ses yeux avaient parcourus Vaëm un court instant, toujours aussi vides. Il ne le considérait plus comme un objet, mais ça, l'hôte ne s'en rendrait jamais compte. Ou alors un jour éloigné, peut-être...


_________
(là, chawa déjà mieux ^^)

La réaction des deux hommes à la phrase lancée par Shine ne se fit pas attendre. Le jeune homme était satisfait de son effet. Très satisfait. Il avait apparemment trouvé les mots justes pour mettre en rogne et son cher père adoptif, et l'inconnu qui l'accompagnait sur le yacht. D'une pierre deux coup, c'était une opération de qualité.

L'héritier Sawada se détourna rapidement de l'étranger pour se diriger vers l'emmerdeur de première toujours perché sur sa barre, qui savourait déjà les évènements à venir. Après deux semaines d'enfermement, dans cette chambre morose, avec pour seul partenaire de jeu quelques bouquins de biologie, Shine se délectait de pouvoir offrir à son corps un peu d'action. Avec le meilleur des adversaires, en somme. Celui qui lui avait tout appris. Même s'il savait pertinemment qu'il finirait par perdre, la perspective d'un petit combat contre Nico le ravissait. « Enfin un peu d'action! » pensa-t-il en se léchant les lèvres.
Ce fut donc avec plaisir qu'il s'engagea dans une lutte acharnée contre son père, évitant avec prouesse la plupart de ses coups, même si son corps en encaissa une petite partie, mais sans broncher. Jamais. Il avait déjà connu bien pire. Il parvint même à toucher son adversaire quelques fois, ce qui lui arracha plusieurs sourires narquois qui eurent le don d'énerver un peu plus le mafieux, qui était déjà bien lancé.
Le combat fut plus au moins équitable au départ, mais l'héritier Sawada prit rapidement l'avantage sur son protégé bien moins expérimenté et un peu trop agité pour espérer arracher la victoire.

Le jeune espion fut lentement repoussé vers la rambarde. Lorsque son dos heurta la barre de fer, il eut à peine le temps de répliquer que son opposant le poussa violemment en arrière. Shine bascula dans le vide et s'enfonça dans le liquide glacé dont il ne percevait pas la fond. Il remonta vite à la surface, secoué par la douche froide qu'on venait de lui infliger.

Il lança un regard noir à celui qui avait osé le balancer par dessus bord.

«Je te déteste... »

Egal à lui-même, le mafieux ne tarda pas à répliquer.

«  J'espère que tu aimes nager. Shine. »

Le jeune homme, dont les membres commençaient à s'engourdir, adressa un sourire espiègle à son père avant de répliquer:

« Je peux remonter maintenant ? »

Ce n'est que quand il vit Nico s'approcher du moteur qu'il comprit qu'il avait vraiment mis son tuteur en rogne. Et qu'il n'allait pas s'en sortir aussi facilement. N'ayant aucune envie de poireauter dans l'eau glacée pendant des heures, il fit une dernière tentative pour amadouer son interlocuteur, tout en sachant pertinemment qu'elle échouerait. Mais elle aurait peut-être au moins le don de l'exaspérer une dernière fois.

« Tu n'oserais quand même pas me laisser moisir ici, hein ? »

L'absence de réponse lui confirma qu'il allait passer un sale moment à tenter de garder ses membres en vie dans ces eaux hostiles et profondes.
Alors que le moteur s'enclenchait, il cria quelques derniers mots d'un ton faussement paniqué:

« Eh, je suis trop jeune pour mourir ! Tu n'as pas honte de laisser crever un pauvre gamin sans défense ?! »

Le yacht s'éloigna, l'héritier Sawada ne lui lança même pas un seul regard. Il était en colère, cela ne faisait aucun doute.


Shine, les muscles de plus en plus engourdis par la température ambiante, n'avait aucune envie d'attendre sagement que son père indigne daigne bien venir le chercher. Il se mit à nager dans une direction décidée au hasard, espérant que cela le mènerait à la plage. Malheureusement pour lui, il ne trouva qu'un petit ilôt sur son chemin. Fatigué après plusieurs longues minutes d'efforts freinés par cette foutue eau glacée, il décida de s'y échouer et d'attendre que son père le trouve. Quand ? Peut-être aujourd'hui, peut-être dans quelques jours. Ça ne l'étonnerait même pas qu'il le laisse pourrir ici un moment pour lui apprendre la leçon. Il s'en fichait finalement. Au moins, il pouvait contempler le ciel et les remous de la mer. Maigre consolation. Mais consolation quand même. Et il avait réussi à irriter Nico. C'était un accomplissement en soi. Une récompense suffisante.
Shine s'assit sur le sable tiède, entoura ses jambes de ses bras, posa sa tête sur ses genoux et laissa son regard dériver dans sur l'horizon. Dans sa tête, il revit son cher père le pousser contre la rambarde et le lancer par dessus bord. Il l'avait bien eu. Cela le fit sourire. Un sourire sournois.

« Tu vas me le payer, imbécile ! ».

Sans qu'un remord ne lui cisaille le ventre, Nico avait tranquillement abandonné son fils dans les eaux glacées. A un endroit où il valait mieux savoir nager pour espérer s'en sortir. Qu'il le laisse à dériver, sans une arme pour se défendre ou une bouée pour prétendre se reposer, montrait à quel point l'héritier pouvait faire confiance en les capacités de Shine. Peut-être se trompait-il, en ce cas, la peine de voir perdu son enfant le détruirait. Il était pourtant prêt à faire ce pari insensé. Les risques étaient nombreux, certainement plus que les avantages, cependant l'aîné Sawada pensait pouvoir les contrôler en n'offrant qu'une heure de cette baignade forcée.

Pilotant le bateau sans lâcher des yeux le signal qui lui indiquait la position de Shine, le jeune homme demeurait pensif, à peine distrait par cette petite bagarre. Il se sentait brusquement fatigué par toutes ses responsabilités et l'appel du grand large se faisait sentir. Il aurait été si simple de s'oublier pour foncer droit devant, récupérer cet insolent fils puis fuir la mafia et ses exigences. La cale était remplie de provisions et pouvait aisément prévoir quelques coups durs. Partir...avec Shine et Vaëm, cet esclave dont il n'arrivait plus à se débarrasser.

Combien de semaines depuis leur première rencontre ? Déjà sur le papier le jeune homme avait attiré son regard, par sa présence d'esprit en choisissant sa cachette, par l'exploit réalisé en échappant à la mafia une fois déjà. Sur la photo prise au vol, les yeux du garçon brillaient d'une étrange sauvagerie, à la fois douce et indomptable. Quel bêtise avait poussé Nico à l'enfermer dans la cage dorée du Luxurious ? Il était évident que cet homme ne pourrait supporter la captivité et la soumission, qu'il tenterait de s'enfuir. Oui...mais qui aurait envoyé un si joli minois se faire exploiter dans les travaux au noir et dans les mines ? Il aurait rapporté beaucoup moins d'argent ainsi.

Aujourd'hui, il n'en rapportait plus du tout et Nico avait dû puiser dans sa réserve personnelle pour éponger les lourdes dettes de la famille déchue. Vaëm lui appartenait. Sur le papier. La réalité était toute autre et encore une fois, le Sawada se demanda ce qu'il se serait passé si ce jeune homme et lui n'avaient pas eu ce destin. Il rêvait d'un passé standard, banal, où il aurait pu avoir des amis, aimer ses frères, adorer ses parents.

Un coup de poing lui remit brutalement les pieds sur terre et, à nouveau, son corps parfaitement entraîné répondit (avec quand même dix bonnes secondes de retard, due à sa redescente), sans qu'il ait eu besoin de réfléchir, afin d'éloigner cet adversaire pour se mettre en garde. La faible résistance sous sa main le surprit et il comprit en découvrant l'identité de celui à qui il devait une merveilleuse douleur à la mâchoire. Vaëm...Encore...

Passant doucement ses doigts sur le bas de sa joue, il resta à l'écoute, percevant le gémissement puis le lourd sanglot. Ses yeux sombres redevinrent aussi calme que froid à l'entente de ce phénomène. Puis les questions fusèrent avec les larmes, sans que Nico ne semble perturbé par cet amas de reproches douloureux. Les saphirs s'attardèrent sur les jambes sanguinolentes pour s'arrêter, impassibles, dans les yeux au vert fatigué. Sanglots, pleurs, voix brisée, tout ça n'atteignait plus réellement le jeune mafieux, ou tout du moins ne le faisait plus réagir. Il était finalement devenu ce que son père souhaitait, ce que la mafia désirait. Si les sentiments existaient toujours, ils n'avaient plus le droit à la parole.

Laissant l'homme se calmer un moment, sans chercher à répliquer, Nico continua son observation, jugeant froidement s'il était venu le temps d'abattre Vaëm. Il aurait duré deux semaines, un record dans le genre. Sans se presser, le Sawada pesa le pour et le contre : du temps gagné, un divertissement en moins. Les jouets cassés n'étaient bon qu'à être jetés s'ils ne pouvaient être réparés. Cela faisait une semaine que celui-ci traînait dans l'atelier, sans, il était vrai, beaucoup de considérations. Peut-être était-il temps de l'en sortir définitivement, du bon côté ou du mauvais. S'accroupissant enfin (il n'avait pas bougé durant tout ce temps), sa main attrapa le menton de Vaëm pour le forcer à confronter leurs regards.

« Si je voulais te tuer, ta demande serait futile. Je fais ce que je veux de toi, tu peux implorer une grâce, si je refuse, à quoi bon ? Je ne suis plus jaloux depuis longtemps, et je ne vais pas te punir pour quelque chose que tu aurais préféré éviter. Quoique je peux en douter vu qu'apparemment tu m'as menti sur la vraie nature de ton agresseur. »

Sans lui faire mal inutilement, Nico attrapa le blessé dans ses bras et le transporta jusqu'au lit de la cabine, sous le pont. Il le déposa sur le ventre, ménageant les reins déjà bien malmenés. Le sang tâchait de rouge les draps au fin tissu, ruinant des étoffes de prix, mais l'héritier s'en fichait. Ce lit était beaucoup plus confortable qu'un quelconque transat ou les lits habituels. Il était fait pour des vacanciers cherchant à se reposer et en tenait bien l'accueil.

« Ce qui m'amuse c'est jouer avec ton caractère, pas avec ce que tu es à présent, Je ne vais pas te tuer parce que ce n'est pas sous mes paroles que tu t'es effondré. Je ne veux pas d'un ami, ni d'un compagnon, mais de quelqu'un capable de supporter mes jeux sans s'écrouler comme tant d'autres. Quelqu'un sachant faire la différence entre l'Héritier des Sawada et Nico. »

Cette dernière exigence était désormais irréalisable puisque grâce aux mots de son jeune frère, Nico avait disparu pour devenir le parfait Sawada. Rapidement, il attrapa une éponge douce et lava les jambes souillées pour éviter l'irritation due au sang coagulé. Ses mouvements, vifs et précis n'étaient pas chargé du désir comme l'avaient été ceux de l'infirmerie. L'adulte se maîtrisait, puis à quoi bon convoiter un corps brisé ? Celui-ci ne pourrait l'accueillir de toute manière.

«  Tu m'as menti pour préserver ta vengeance, je suppose. C'est compréhensible de vouloir se venger soi-même de celui qui vous a pris votre honneur. Il a également pris le mien, donc il va bien falloir que tu vives pour pouvoir espérer me piquer ce droit. »

Non. Il ne restait définitivement plus rien du jeune Nico. Ses mots, sa manière de parler, sa stature, tout n'était qu'un signe de plus de sa transformation. Il y avait mis une semaine, mais le départ d'Arkalya avait définitivement refermé la porte. Le verre qu'il posa sur la table de nuit teinta doucement, laissant filer le son du comprimé s'y dissolvant.

«  Bois si tu veux calmer la douleur et dormir un peu. Ce n'est pas un somnifère, seulement un calmant. Je suis en haut en cas de problème, il est temps d'aller repêcher Shine. »

La fin de sa phrase était une réflexion prononcée à haute voix et bientôt le navire tourna de bord pour faire demi-tour. Il filait, craignant avoir dépassé le temps imparti à la réussite de son pari, oublieux du radar qui lui aurait permis d'aussitôt localiser son fils. Arrivé à l'endroit du plongeon, les yeux de Nico s'écarquillèrent d'horreur avant d'aussitôt se fermer pour un meilleur contrôle. Il n'était plus là.

«  Mais quel...Si tu t'es noyé tu vas avoir des comptes à me rendre. »

Le Sawada fixait l'eau, à la recherche d'une ombre indiquant une blague. Shine adorait l'énerver et il n'y avait pas meilleur moyen que l'inquiéter. Un bruit de radio dans la cabine de pilotage lui rappela la présence du pisteur fixé sur son enfant et il courut au devant du matériel, ignorant les appels de ses hommes. Un soupire de soulagement lui échappa (il se pensait seul), et un picotement traversa son dos, véritable signe de détente. Un voyant clignotait sur l'écran noir, indiquant une position stable, légèrement mouvante par un moment. En reportant les coordonnées sur une carte, Nico put constater que son fils était sain et sauf sur une île et s'y dirigea à tombeau ouvert. Qu'il ait changé ne dissipait pas son goût pour la vitesse.

Toujours assis sur le sable, Shine laissait son esprit divaguer, pestant par intermittences contre son imbécile de père. Les habits trempés d'eau glacée, son corps tremblait de toutes part. Il avait froid. Très froid. Et encore, c'était peu dire. Ses lèvres ne tardèrent pas à virer au bleu-violet.

« J'te déteste » souffla-t-il a l'intention de son père, absent, bien entendu.

Le jeune effronté se demanda qu'est-ce que le mafieux pouvait bien être entrain de faire. En tout cas pas de penser à lui, seul et transi de froid sur cet ilôt abandonné. Peut-être se prélassait-il sur son yacht, plusieurs kilomètres plus loin. Ou alors peut-être qu'il conversait avec l'inconnu. D'ailleurs, il se questionnait toujours sur l'identité de cet étranger. Nico n'avait pas pour habitude d'inviter n'importe qui sur son bateau. Ce type devait donc avoir un statut spécial... ou alors son abruti de père avait tout simplement pété une durite. Ce qui ne l'étonnerait pas une seule secondes.

Ses membres se mirent à frémir de plus belle. Ses dents claquaient presque. Et dans sa tête, les insultes envers l'héritier de la mafia fusaient à grande vitesse. « Imbécile ! Crétin ! Andouille ! Grande perche sans cervelle ! Primate arriéré ! ». Ses pensées bouillonnaient.

Il se recroquevilla et frotta ses mains contre ses bras et ses jambes, créant un semblant de chaleur qui le soulagea quelques instants. Les minutes passaient, encore et encore. Lui semblant une éternité. Le lumière du soleil ne s'intensifiait pas, il ne pouvait donc pas compter sur elle pour le réchauffer. L'espace d'un instant, il pria Nico de venir le chercher, là, tout de suite. Mais il s'arrêta rapidement. Il n'allait quand même pas se rabaisser à supplier ce père qui l'avait lâchement abandonné au milieu des eux hostiles !

La fatigue commençait à se faire sentir. Son corps engourdi quémandait du repos. Se forçant à rester éveillé, Shine ferma tout de même les yeux, après s'être déplacé vers le faible rayon de soleil qui pointait sur le sable.

Soudain, alors qu'il sombrait dans la somnolence, un bruit de moteur se fit entendre. Le jeune homme se releva d'une traite, alerte. Un bateau ne tarda pas à pointer dans l'horizon, apportant une pointe de soulagement à son pauvre corps éprouvé. Arborant des traits boudeurs, il attendit, debout, que le yacht de Nico, lancé à grande vitesse, aborde la petit île sur laquelle il s'était échoué. Il s'interrogea sur la manière dont son père l'avait retrouvé. Puis lança un regard noir au mafieux, qui l'observait, appuyé sur la rambarde. Une moue grincheuse adoptée comme masque, il grimpa sur l'édifice flottant, prenant garde à maintenir une distance raisonnable entre l'héritier et lui. Des fois qu'il déciderait de le punir un peu plus.

Il fonçait à travers les eaux, dispersant les flots en mousse blanche autour du navire. Shine était en sécurité (à moins que des indigènes non répertorié vivent sur ce petit carré de terre), néanmoins, Nico éprouvait un besoin de vitesse, comme si celle-ci pourrait le saouler suffisamment pour qu'il oublie. Cette étendue d'eau, de liberté lui provoquait tant de rêves qu'il en avait le tournis. Un quart de degré vers tribord. Un quart. Et il serait libéré de Séphiel, au moins pour un temps. Et de Kenji, lui qui se croyait supérieur n'avait qu'à reprendre les reines de la mafia à la place de Nico, Celui-ci les lui offraient volontiers.

S'arrêtant près de l'île, il laissa le soin à son fils adoptif de nager les mètres séparant le pont du bateau de la plage. La moue grincheuse était charmante, la distance prise aussi, mais l'héritier ne comptait pas punir son enfant, il avait besoin de quelqu'un pour veiller sur Vaëm, Shine faisait la victime idéale.

« Va te sécher... »

Une chanson sortit soudainement de la bouche provocatrice du plus jeune et Nico écarquilla les yeux avant de perdre radicalement sa mesure. Il ne voulait rien entendre, cette mélodie allait le hanter pendant au moins six mois sinon ! Sa main agrippa le gamin par le col avant de le projeter dans la cabine, fermant la porte salvatrice. Sa raison ou ses oreilles ne pourraient pas y survivre, il le savait.

Croyant y avoir échapper, le Sawada s'éloigna en se recomposant un masque de froideur. Ce n'était guère compliqué, il lui suffisait de penser à Séphiel ou à Vaëm...parce qu'avec Séphiel venait Kenji. Vaëm...se suffisait à lui seul. Une tête dépassa alors d'un entrebaîllement et bientôt la même musique fut braillée en fortissimo.
....
Comment vouliez-vous demeurez de marbre ? Il descendit à nouveau jusqu'à la cabine et attrapa Shine, le déshabilla radicalement et l'attacha au lit avant de remonter en vitesse, craignant pour ses tympans.

« On ne chante pas cette chanson ici. Shine, tu veilles sur lui. »

Ses doigts jouèrent avec la clef des menottes tandis qu'il remontait, le vague l'âme. Une seule provocation de son crétin de fils avait suffi à rompre la glace qu'il prétendait s'être construite. Qu'en serait-il avec Séphiel ? Même s'il se sentait détendu en compagnie du plus jeune, plus qu'avec son affreux paternel. Mais serait-il un jour capable de tenir tête à son père ? Ou jamais ?
....
Il refusait d'être plus faible et de se plier encore et encore. Pourtant, c'était exactement ce qu'il faisait depuis cette année. Un véritable esclave fidèle à son maître....pitoyable. Comme l'état de Vaëm.


(C'est court, fait à moitié en dormant...et ça se voit)

Dégoulinant d'eau glacée, Shine fusilla son père adoptif du regard. Il lui en voulait, pour l'avoir poussé par dessus bord. Enfin... pas tant que ça. Mais il entretenait ce petit jeu, entre eux. Parce que cela l'amusait. Et finissait toujours par faire réagir le mafieux. Une arme de choix.
De nouveaux tremblements secouèrent son corps. Il ressentait encore un peu le froid qui l'avait étreint lorsqu'il patientait, sur l'île. Cet abruti paierait, un jour. Il n'y échapperait pas. Des vengeances intéressantes, le jeune espion en possédait toute une panoplie dans son esprit resté enfantin. Oui. Il ne se gênerait pas. Pas le moins du monde. Et cela lui donnerait une nouvelle occasion de se délecter, en voyant les traits de l'Héritier se déformer sous l'irritation.

Ce fut quand Nico lui ordonna d'aller se sécher qu'il remarqua l'état de son paternel. Il n'avait plus vraiment forme humaine. Dans son regard, la fougue habituelle ne brillait plus. Non. Les prunelles semblaient vides... lointaines. Qu'est-ce qui pouvait bien tracasser l'homme à ce point ? Il ne se laissait pourtant pas perturber aussi facilement. Alors, qui était capable de le mettre dans cette humeur morose ?
Ce devaient être une succession d'événements. Une multitudes de petites brèches, qui assemblées, formaient une fissure trop grande à réparer. En tout cas dans l'immédiat. Le garçon aux yeux brun-gris n'aimait pas voir son sauveur ainsi. Il adorait l'embêter, oui. Mais il détestait quiconque l'éloignait de lui-même. Comme ça, le mafieux ressemblait à l'Oyabun. Ce qui n'était pas bon signe. Du tout. Parce que cet homme représentait tout ce que le Sawada haïssait. Alors s'il commençait à se comporter comme ce type... c'était que quelque chose ne tournait pas rond. Quelqu'un devait agir. Avant qu'il ne sombre trop loin.

Déterminé à dérider un peu son vis-à-vis, Shine réfléchit à une façon d'effacer cet air rompu du visage du plus âgé. Ses méninges s'usèrent un moment. Puis une pensée fusa. Oui. C'était ça. Idée de génie.
Sûr de son plan machiavélique pour briser la carapace du mafieux, l'espion s'approcha un peu de son employeur, le pas léger, un petit sourire pendu aux lèvres. Si cette tentative ne résultait pas en un succès flamboyant... cela signifiait que l'état de son père était vraiment alarmant. Même plus.

Sous le regard absent de sa victime, le jeune homme resta silencieux quelques instants. Puis dévoila ses desseins. Ouvrant grand la bouche, il se mit à chanter. Pas n'importe quel air, bien sûr. Il avait pris le temps de choisir. Pour être sûr que cela suffirait. Il avait fouillé dans sa mémoire, et finalement trouvé la mélodie parfaite. Une chanson tirée d'une comédie musicale que le Sawada avait déjà bien trop entendue. Et qu'il ne supportait plus. Sa voix envahit l'atmosphère. Personne à un kilomètre à la ronde ne pouvait louper ça.

« C'est comme un chien qui a la rage... un lâche, qui croit en son courage ! »

La réaction de Nico ne se fit pas attendre. Les yeux écarquillés. Le visage, impassible quelques secondes auparavant, perdant de sa maîtrise. Radicalement. Bien. Il avait réussit son coup. Opération menée avec succès. Le mafieux était encore humain. Voilà une chose qui paraissait bonne à savoir. Rassuré, le gamin ne cessa pas pour autant ses vocalises. Pourquoi ne pas pousser le vice jusqu'au bout ?

« Viiiivre, Viiivre c'est se baaaaattreeee... »

Son col fut agrippé. Presque suspendu dans les airs, les pieds frôlant à peine le sol du bateau, il se retrouva bientôt projeté en arrière, dans la cabine, aux côtés de l'inconnu qui se trouvait aussi sur le yacht. La porte se referma en un violent claquement. Le verrou ne bougea pas. Erreur fatale. Si l'autre croyait que cela l'arrêterait... il rêvait, en couleur et avec le son.
Sans faire de bruit, le puni entrouvrit la porte et passa sa frimousse railleuse par l'ouverture, repérant son père sans trop de peine. N'ayant pas envie de changer de stratégie, l'actuelle marchant à merveille, il poursuivit son récital, augmentant quelque peu le volume sonore.

« La vie, n'est pas un théâââtre ! »

Cette fois-ci, il avait poussé l'Héritier à bout. Parfait. Vraiment parfait. La réponse fut plus violente que la précédente. Attrapé brusquement par le bras, l'effronté se retrouva projeté sur un lit voisin à celui de Vaëm, il se retrouva presque nu comme un vers, attaché au lit par un poignet. Message reçu. Il ne devait pas pousser plus loin. Lui adressant un regard noir, il soupira lorsque le père indigne quitta la cabine, en fermant la porte à double tour, cette fois. Sage décision.

Le silence s'installa. Puis Shine tourna sa tête vers l'autre occupant de la pièce. Une envie de le secouer un peu avec des mots le tirailla. Mais le garçon n'avait pas l'air en état. Pour une fois, il décida de ne pas abuser. Et laissa voisin tranquille. Un moment, tout du moins. Il ne tarda pas à lui adresser la parole, d'un ton neutre.

« On ne s'est pas déjà vus, par hasard ? »

Puis, cédant à sa grande curiosité, il énonça une autre question, tout en contemplant le plafond.

« Et tu es qui, d'abord ? »

Sitôt la voix de Shine tue, une mélancolie sans borne attaqua Nico. Il était toujours furieux contre son fils, mais l'amusement se mêlait avec la colère, formant un marasme visqueux et tenace. L'héritier Sawada se sentait pris au piège. De plus en plus. Ses responsabilités, qu'il assumait au mieux, le rongeait petit à petit. Essentiellement depuis l'arrivée de Vaëm. Nico avait découvert une autre manière de vivre, de penser, d'autres désirs et besoins.

Ses mains accrochèrent la barre et il rajusta la direction du bateau. Le doux roulis lui arracha un sourire amer. Voilà ce qu'il était. Une oscillation. Kenji avait raison, on ne pouvait pas compter sur lui. Il n'avait plus rien d'équilibré. Entre s'agripper à son univers déchiré ou s'adapter au nouveau, Nico n'arrivait pas à choisir.

Un trop plein d'émotions, une étape à franchir. Douloureuse. Il ne savait plus que dire ou que faire sans blesser quelqu'un. De toute manière le mécontentement viendrait. Soit de son père, soit de son fils...ou encore de Vaëm. Le grain de sable, l'emmerdeur de service dont il n'arrivait pas à se défaire.
Ou alors fallait-il un compromis ? Réussir à séparer l'intimité du travail...Réussir là où son père n'avait fait que trancher. La protection n'était-elle pas double quand l'amour se liait à la froideur ? Oui...peut-être.
Mais il n'arriverait jamais à ce stade tant que Séphiel régnerait. Alors fallait-il le faire tuer ? Un complot ? Ou juste fuir ?

L'héritier stoppa le moteur. Il ne savait pas. Rejoignant le pont, le jeune homme s'accouda à la balustrade pour profiter de l'embrun, fixant le mouvement hypnotique de l'eau. Des poissons plus ou moins gros nageaient entre deux eaux, élégants. Le son du vent, doux et calme, apaisa un instant le coeur tourmenté du Sawada.

Un coup de feu claqua.

Nico se projeta à l'extérieur du bateau, tenant la barrière d'une main. Le mouvement lui sauva la vie. La balle destinée à son coeur traversa le muscle de son bras gauche, ouvrant le passage à un flot de sang chaud. La peinture blanche du navire se tâcha de rouge alors que Nico fouillait rapidement son corps. Il n'avait plus un seul poignard. Une ombre le recouvrit bientôt et il ne prit pas la peine de lever la tête, préférant s'éloigner aussi vite que possible. Réfugié sur le rebord de l'immense hublot de la cabine, il fixa les deux occupants dont l'un devait sûrement déjà s'être débarrassé de ses menottes.

Il y avait suffisamment d'armes à disposition de Shine pour que Nico ne s'inquiète pas trop. C'était de toute façon la stratégie la plus sécurisée. L'héritier ne bougerait plus de sa cache, jusqu'à ce que l'ennemi soit occupé par son fils. C'était le seul moyen de limiter le danger.
Ne restait plus qu'à prier pour que Shine n'ait pas eu une crise de flemmardise au lieu d'étudier le plan du bateau et ses caches d'armes.

Les mots de Shine résonnèrent dans la pièce. Puis le silence. Quelques secondes passèrent. Son colocataire forcé se retourna, presque au ralenti, puis le dévisagea un moment. Le jeune homme soupira, attendant une quelconque réponse, qui tarda à venir.

Hm.... Message reçu.

« T'es pas dans le genre communicatif toi. »

Oh, et puis, c'était très bien comme ça. Lui non plus ne ressentait aucun besoin de s'épandre en longues tirades, à part pour bousculer un peu Nico et l'emmerder au plus haut point. Autrement, le strict minimum suffisait. Et largement.
Un léger sourire moqueur aux lèvres, l'espion s'étala sur le dos et contempla le plafond, réfléchissant à la prochaine crasse qu'il pourrait faire à son cher père. Après tout, sortir de cette pièce n'était pas une missions impossible. Cela se rapprochait plus d'un jeu d'enfant.

Soudain, un coup de feu retentit. Shine sursauta, et se redressa, alerte. Une attaque, sur le bateau ? Comment ? Le corps animé par un surplus d'adrénaline, le Sawada se débarrassa en un clin d'oeil de ses menottes, et vérifia qu'il portait bien tous ses couteau. Check. Toute sa panoplie était accrochée à ses habits. Parfait.
N'attendant pas qu'une autre explosion retentisse, il crocheta la serrure de la cabine et déverrouilla la porte. Concentré, il se faufila à l'extérieur, laissant l'inconnu se débrouiller. De toute façon, le garçon avait l'air du genre à pouvoir survivre sans son aide. C'était bien mieux comme ça. Et puis sinon, tant pis. Il ne pouvait pas tout faire en même temps. Ce n'était pas marqué baby-sitter sur son front !

Choisissant un côté du bateau, il repéra rapidement les ennemis, ou tout du moins une partie d'entre eux. La mâchoire serrée, il s'approcha à pas de loup par derrière, alors que les hommes semblaient entrain d'espionner silencieusement, probablement à la recherche de l'Héritier.
Il en assomma un et commença à se battre avec les autres, couteaux en main. Accomplissant son travail méticuleusement. Du sang coula, mais pas de morts. Shine n'avait encore jamais tué personne, et il l'évitait si c'était possible. Enlever la vie de ses propres mains... semblait une épreuve pour laquelle il n'était pas encore prêt.
Un à un, il incapacita ses adversaires, tout en observant les alentours. D'autres ennemis es cachaient sûrement de l'autre côté du bateau. Il espéra que l'invité de Nico savait se battre et s'en occupait, histoire de simplifier sa tâche. Bientôt, il ne reste plus qu'un homme en face de lui, que le jeune garde du corps ne tarda pas mettre à terre, non sans se faire légèrement blesser au passage.

« Et mer... »

Un filet de sang s'écoulait de son flanc, frôlé par une lame ou une balle, mais rien de grave. Une petite plaie insignifiante. Cependant, insignifiante ne voulait pas dire indolore. Shine grimaça. C'était bien sa veine. Il aurait du rester au lit, ce matin.

Soupirant en observant les corps étalé par terre, inconscients, il ricana. Un sourire sadique s'afficha sur ses lèvres. Il transporta les humains inertes jusque dans la cabine, et referma à clé, fier de son idée.

« Nico, j'ai entreposé quelques amuse-bouche pour toi dans la cabine. Ils devraient être bien frais et prêt à l'emploi d'ici quelques minutes ! »

Le fils Sawada s'éloigna du futur cercueil, constatant que son aide n'était plus nécessaire. Ses intuitions sur l'invité mystère s'était avérées exacte. Le travail sur l'autre côté du bateau avait été fait. Soulagé de pouvoir se reposer, Shine s'installa sur le toit de la cabine, s'affairant à panser sa plaie.

Compressant sa plaie d'une main, le mafieux tentait maladroitement de ne pas tomber. Plonger dans l'eau glaciale de l'océan avec un bras ouvert était une très mauvaise idée. Se blottissant au plus près de la vitre, il put voir son fils se ruer dehors. Bien, au moins le compte de ces hommes étaient réglés. Mais Vaëm, ? Savait-il au moins se...
Ah...oui effectivement il savait.

Inquiet sans se l'avouer, le mafieux suivi les mouvements du plus jeune, les sourcils levés. L'hôte se déplaçait souplement, mouvements sûrs, pas de peur superflue. Il n'avait sans doute jamais appris à se battre vu le manque d'élégance, mais ce n'était pas mal du tout. Bonus, tuer ne semblait pas le déranger outre-mesure. Les jambes fines, posées...et...trop proche. Relevant la tête, Nico rencontra le regard ironique du garçon et s'empressa de rentrer pour mieux dissimuler son trouble. Heureusement Vaëm escaladait déjà le bord du bateau pour continuer sa tuerie.
Barbare.

Amusé par cette pensée, Nico déchira sa chemise pour pouvoir se soigner convenablement. Il savait que les étrangers n'avaient pas la moindre de chance contre Shine et Vaëm. Autant se panser. Pas grand chose à faire. L'os n'avait pas été touché et la balle était ressortie. Sans réfléchir, il décida de tout simplement bander son bras, des médecins se chargeraient de lui plus tard. Après quelques minutes à hurler sur le tissu qui refusait de se dérouler correctement, l'héritier abandonna. Tant pis. Il ne mourrait pas dans les minutes qui arrivaient et Shine pourrait l'aider plus tard. Les subordonnés ça servait à ça.

« Bon... »

Au-dessus, les bruits avaient cessé. Un interrogatoire l'attendait donc. Avec une belle ration de sang, de peur et de paroles. Tout ce qu'il lui fallait pour être de meilleure humeur. Tuer était une activité si sympathique. Rien qu'à y penser, il se sentait tout de suite ravigoté. Une gorgée d'eau...d'eau ? Elle avait un goût bizarre cette eau. En raclant bien la gorge. Vodka. Nico haussa les épaules, au moins sa tête ne tournait-elle plus. Il avait un peu plus chaud aussi.

« Merci. Nettoie-moi tout ça tu veux ? »

Vaëm ne pouvait pas profiter de l'égarement pour s'enfuir, à moins de préférer le suicide à l'emprisonnement. Le mafieux avait un léger doute à ce sujet. Il s'en alla donc questionner les rescapés, amusé de compter les cadavres, hors d'œuvre de son jouet. Claquant la porte, l'adulte eut un sourire carnassier pour ses prisonniers.

« Bieeeeen. Quel est votre commanditaire ? Je vous préviens, je manque horriblement de conversation. »

Quelques cris plus tard, de nouveau corps décoraient l'océan, traçant la route du bateau. On ne gardait pas des morts à bord. Question de principe. Nico n'avait permis qu'à un seul de survivre. Il l'enverrait en avertissement. Pour l'instant, une cure d'embruns dans les cales lui remettrait les idées en place. L'installation du malade effectuée, le Sawada remonta pour noter la position de Vaëm et appeler Shine.

« Hey, gamin. J'ai besoin de toi là. Tu pues le sang, c'dégoutant ! »

Les roses s'offraient à toutes saisons.

Toujours assis sur le toit de la cabine, Shine finissait de placer son bandage de seconde main, stoppant net le mince filet de sang qui s'écoulait encore de sa plaie. Puis, n'ayant plus d'activité à se mettre sous la dent, il décida de nettoyer méticuleusement ses couteaux, uns à uns. Quand on ne sait pas comment passer le temps...

Ses yeux se posèrent sur une multitude de cadavres. L'inconnu avait vraiment fait un carnage. Le bateau, maculé de rouge, arborait un tout autre style qu'à leur départ. Un léger sourire apparut sur ses lèvres. Cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas passé une journée aussi divertissante. Bouger. Se battre. Embêter son père indigne. Enfin, il avait pu se libérer de sa prison dorée. Pour combien de temps ? Aucune idée. Autant en profiter jusqu'au bout.

Une porte qui s'ouvre, puis se referme. L'espion tendit l'oreille. Massacre, second acte. Ouverture des rideaux. Il ne rata pas une miette des mots de Nico. Pauvres hommes. La mort semblait une issue bien plus paisible, à côté de ce que leur réservait l'héritier. Aucune retenue. Le gamin savoura la colère de son père, sans aucune pitié pour ses victimes. Ils l'avaient cherché, après tout. Les attaquer en pleine ballade ? Non mais oh ! C'était un scandale.

Il ne put se retenir de rire, par moments. Puis les cris firent place au silence. Un calme plat. Le jeune adulte s'allongea sur le dos, contemplant le ciel, dénué de nuages. Ses pensées divaguèrent, sans but précis. Ses membres s'engourdissaient au fil des minutes, et il ne tarda pas à s'assoupir, sans toutefois éclipser totalement sa conscience. Toujours prêt à agir, si le besoin se profilait.

Des bruits étranges le sortirent de sa somnolence. La première image qui égaya son regard un peu embrumé fut celle d'un cadavre flottant dans l'eau. Miam. Le corps inerte fut vite rejoint par un autre, puis un autre, puis un...

« Berk ! »

Derrière le bateau, l'eau se transformait en véritable soupe de macchabées, brassés par le remous des vagues. Appétissant. Très appétissant. Se détournant de ce magnifique tableau, Shine respira un bon coup et sauta du toit au moment où son paternel l'interpellait, de charmante façon d'ailleurs. La mine renfrognée, par habitude, le garçon se dirigea vers le Sawada.

« Désolé d'incommoder vos fragiles narines, votre altesse. »

Un rictus naissant sur son visage, l'espion s'affaira à soigner son père un peu plus correctement, histoire qu'il ne verse pas au milieu du voyage. Ne disant mot, il observa le mafieux, ne le ménageant pas en s'occupant de la plaie. Souffrir un peu ne pouvait que lui faire du bien. Il ne faisait que lui rendre la monnaie de sa pièce.