Bataille de chifonniers (pas d'idée de titre oui :D)

Le film se déroulait, et Nico ne regardait que le vide. Ses pensées obliquaient encore et toujours sur Vaëm. Le baiser, la main, l'odeur. Il ne réfléchissait pas, se laissant seulement bercer par des impressions agréables, trop fatigué pour songer à sa position et analyser les événements. La calculette n'avait plus de piles et manquait de soleil. Sans énergie, il écouta l'hôte revenir, sa glace fondant rapidement. Au fond le Sawada était quelqu'un raffolant de douceur, il était celui qui pensait à couvrir un endormi, à le border et à le soigner. Son problème n'était pas le manque de bonnes intentions. Il ne savait juste pas comment les montrer. On ne le lui avait pas appris.

Etre un amant doux et aimable, c'était facile. Un coup d'une nuit, des gestes teintés d'expérience. Devenir un homme, c'était autre chose. Puis il y avait la mafia dont il devait s'occuper. Un homme n'avait pas sa place parmi les dirigeants.

L'odeur du steak lui chatouilla les narines et le tira de ses pensées. Son ventre se réveilla d'un gargouillement gênant et Nico soupira un merci. Sa voix était marquée par la fatigue, mais ne pouvait se défaire de la marque du puissant. Elle ne le pourrait certainement jamais. Le jeune Sawada était né pour régner. On n'y changerait rien.

La question lui fit lever les yeux. Il sourit et déposa l'assiette qu'il venait de saisir, amusé par le tour que prenait la journée. Une bataille, un film, trois baisers, une gronderie...C'était un programme bien animé, et plaisant. Il se sentait vivre.

« C'est promis. De toute manière, tu as cent manières différentes de me tuer rien que dans cet appartement. J'ai des tonnes d'ennemis sur le dos, alors en armer un de plus...quelle importance. »

L'expression désabusée, il repris son repas. A chaque sortie, l'héritier avait de toute manière un haut pourcentage de chances de mourir. Que Kioshi régule la ville ou non. Rien qu'en comptant toutes les familles ruinées ou souffrant d'une mort qu'il avait ordonnée.

Il secoua la tête pour éviter d'y penser. Sa paranoïa répondait à ce risque...mais il avait envie de vivre un peu. Ses yeux notèrent enfin le gilet et il jeta une couverture à Vaëm pour qu'il se couvre un peu plus. Pas question qu'un médecin infeste une nouvelle fois son territoire. Une fois lui avait largement suffit. Son carrelage lui avait parut rouge de longues semaines après. Le seul avantage notable avait été la découverte d'un complot, mais ses recherches de ce coté-là n'avaient guère avancer.

Armer Vaëm...peut-être cela lui éviterait-il des ennuis. Comme la dernière fois. Appelé à l'hôpital, Nico n'avait su exprimer son inquiétude qu'en disputant l'hôte. Lui apprendre à tirer éviterait de nouvelles scènes. Même si le Sawada devait avouer une large préférence pour les couteaux et autres armes de tirs. Moins de bruits, plus d'utilisation possible.

« Faut déjà que t'apprennes à en monter un. Va fouiller dans l'armoire au fond de la salle d'entraînement. Prends celui qui te va le mieux, taille, poids, impression. »

Il lui jeta la clef de ladite caverne aux merveilles, conscient que s'il avait voulu signer son arrêt de mort, s'était chose faite à présent. Cependant, il avait réellement envie d'entraîner Vaëm. C'était comme avec Shine...Entraîner les gens à maîtriser leur corps l'intéressait vivement. Et l'hôte était suffisamment agile et rapide pour le mériter.
Puis...
Il avait promis. Et Nico respectait toujours sa parole, c'était ainsi qu'il gagnait la confiance de ses hommes.

Le gargouillement impromptu venu du ventre de Nico lui avait tiré un sourire amusé et il avait déposé l'assiète sur la table basse où traînaient encore les reliefs de leur petit déjeuné avant d'aller se lover dans un fauteuil, un léger hochement de tête serein venant saluer le remerciement.
L'héritier avait l'air fatigué...
Même si sa voix restait ferme, ses yeux, eux, dénotaient d'autre chose.

Préférant ne pas s'attarder sur le sujet, l'hôte avait demandé avec incrédulité si son compagnon lui disait la vérité à propos des cours sur les armes à feu. Bien que ses affinités aillent, elles aussi, aux armes blanches - et en particulier au cran d'arrêt - il pensait sincèrement utile de savoir se servir d'un flingue, mais n'avait encore jamais eu l'occasion d'en tenir un entre ses mains.
Mais de là à imaginer que l'héritier de la mafia en personne accepterai de le former... y'avait un monde.
Cependant, l'autre ne sembla pas démordre de sa proposition, lui expliquant même calmement, par A+B en quoi le fait de l'armer ne changerai pas grand chose à sa vie quotidienne de mafieux.
Vaem esquissa une grimace.
Dans le fond, l'autre n'avait pas tout à fait tord... mais lui n'aimait pas cette vision des choses. Pour la première fois depuis qu'il était ici, il prit conscience de combien ça devait être usant de ne pouvoir faire confiance à personne et de devoir tout le temps rester sur le qui-vive, même dans son propre chez soit.

Silencieux, il laissa Nico à son repas pour essayer d'imaginer ce qu'une telle vie devait être, et alors qu'un effroi grinçant commençait à lui serrer la gorge, une couverture surgit de nul part pour atterrir sur ses genoux, le faisant sursauter.
Il leva brièvement les yeux, notant au passage que la couverture à côté du mafieux avait disparut - et devait donc être celle sur ses jambes - puis il comprit l'attention et eut un petit sourire pour lui-même. Bien qu'il n'en eut pas besoin pour se réchauffer, il drapa la pièce de tissus autour de ses épaules et s'installa de nouveau confortablement dans le fauteuil.

La suite lui tira un nouveau sourire et, vif comme un chat, il attrapa la clef avant de bondir hors de sa couverture pour s'éloigner d'un pas dansant jusqu'à la salle d'entraînement. Là, il trouva l'armoire en question et prit le temps d'en observer longuement le contenu après l'avoir déverrouillé.
On ne pouvait pas dire qu'il n'avait pas le choix...
Et que l'Héritier n'avait pas de quoi se défendre.

Figé un long moment par l'impossibilité de se décider, il finit par prendre délicatement les armes en mains, les soupesant, les caressants, essayant de trouver en elles la même résonance qu'il éprouvait pour son arme de prédilection. Il lui fallut encore de longues minutes avant de mettre la main sur quelque chose de satisfaisant : un petit calibre, léger, qui se calait presque parfaitement au creux de sa main et semblait facile à dissimuler. Le jeune homme le fit jouer un moment entre ses doigts, s'habituant à sa forme, à son poids, la sensation étrange de la crosse logée au creux de sa paume.

Décidé, il rangea soigneusement les armes dans leurs logements, referma l'armoire derrière lui avant de regagner le salon. Doucement, il déposa la clef devant Nico, puis l'arme, et s'assit à même le sol, a côté de la table basse, attentif aux commentaires qui pourraient découler de son choix.

Fermant les yeux, Nico s'apprêta à patienter afin que le choix de Vaëm ne soit pas limité par le temps. Sans y prendre garde, il se mit à jouer avec son couteau, laissant ses pensées vagabonder. Depuis quand possédait-il Vaëm ? Le contrat passé avec Kioshi n'avait avantagé que l'hôte au final. Comme prévu. Tout avait roulé, presque facilement. Une légère prise de tête avec Séphiel, puis plus rien. Après tout le jouet était sans doute trop insignifiant pour attirer l'attention de l'Oyabun. Nico lui-même se demandait si son père le considérait seulement un peu.

Un léger tintement sur la table basse annonça le retour du garçon et l'aîné se redressa pour s'emparer de la clef. Il observa l'arme choisie et eut un léger sourire. Décidément, Vaëm avait goût pour le vicieux et le caché. Saisissant le pistolet, il le démonta rapidement, positionnant ensuite chaque pièce dans un ordre précis. Entraîné à l'exercice, il le remonta une fois parfaitement, ses doigts agiles se déplaçant sans hésitation.

« Bon...ce n'est pas un mauvais choix, tu le sauras de toute manière vite à tes premiers tirs...peut-être que tu changeras, t'être pas. C'est un Beretta 9000 S. Version F. T'as une sécurité manuelle ici. Double ou simple action. Il est pratique parce que son percuteur reste verrouillé tant que tu n'appuies pas sur la détente. Ca évite les trous aux pieds quand il tombe. »

Nico démonta une nouvelle fois l'arme pour aligner les diverses pièces. Du doigt il les désigna chacune par leur nom et fit répéter son jeune apprenti. Vaëm avait le temps...alors autant faire un apprentissage dans les règles de l'art.

« Bien, maintenant, monte-le. Je te donne les instructions. »

Sa voix guida calmement l'hôte, ne s'élevant pas une seule fois. L'héritier avait une patience d'ange lorsqu'il enseignait. Répondre à une myriade de questions ne le gênait pas. Il fit recommencer Vaëm une bonne quinzaine de fois, avant d'être certain que celui-ci pouvait se débrouiller tout seul pour nettoyer et charger son arme. Exigeant, il ne laissait pas une faute passer. C'était l'autre côté de sa patience. Mais d'un autre côté, Nico savait que les détails pouvaient tuer...

Enfin, un sourire s'étala sur le visage sévère. Cette fois-ci s'était bon. Se rejetant en arrière dans son canapé, l'héritier eut un regard pour Vaëm.

« Permission de se lever ? »

Si l'hôte voulait apprendre à tirer, il fallait bien que quelqu'un vienne à ses côtés...par prudence...et aussi parce que Nico tenait à ses fenêtres. A ses murs aussi.

[Sorry, c'est court ]

[Pas grave ^^]

Le jeune homme s'était donc installé en tailleur sur le sol, Frifri de nouveau loger au creux de ses jambes, et avait déposé son arme sur la table basse, les yeux brillants d'excitation et d'admiration pour la facilité avec laquelle les doigts du mafieux se déplaçaient le long de l'objet : assurément, il était capable de monter et démonter un flingue les yeux fermés dans le noir le plus complet. Attentif comme un chat attendant de pouvoir chiper un bout de poulet, il avait sagement écouté les instructions de Nico, essayant de tout retenir dès la première fois.
Chose qu'il ne parvint pas à faire bien sûr....

Tout en jouant machinalement d'une main avec les oreilles du chaton qui lui essayait de lui chopper les doigts, l'hôte se coupa petit à petit du monde pour se concentrer uniquement sur son cours, mémorisant les pièces et leur nom, essayant d'intégrer l'utilité de chacune, mais aussi leur place et leurs actions par rapport aux autres.
Lorsque son professeur fut satisfait de son savoir, il lui indiqua qu'il allait pouvoir commencer à monter le pistolet lui-même, et Vaem se retrouva avec les différentes parties dans les mains, aussi maladroit et mal assuré qu'un enfant craignant de mal faire.
Cependant, sous les directives calmes et assurées de Nico, il retrouva bientôt sa maîtrise et son excitation à l'idée de percer les secrets de l'arme à feu.

Patient, sans s'offusquer lorsqu'on le reprenait sur ses erreurs, il suivit les instructions, puis démonta soigneusement l'arme avant de la remonter une fois encore, puis de la désosser de nouveau. Petit à petit, le geste lui sembla devenir familier, presque habituel, et il commença à saisir le secret mécanique de son arme, à s'habituer à elle. Le nettoyage de cette dernière était logique, utile, sans gestes superflus, et au bout d'un certain temps (il avait perdu le compte du nombre de fois où il avait monté et démonté son Beretta, et a vrai dire il s'en foutait) Nico le fit arrêter, un sourire éclairant soudain son visage qu'il avait jusque là gardé fermé sur une sévérité de professeur.
Alors, et seulement alors, Vaem se rendit compte que jusqu'à présent il avait gardé tous ses muscles contractés et avait à peine respiré.

Lentement, il laissa ses muscles se détendre et s'étira, faisant craquer son dos et ramenant ses muscles endoloris à la vie tandis que le chaton, dérangé par le mouvement, grimpait sur le canapé pour squater un coussin.
Un petit sourire ravis flottait sur le visage du jeune homme.
Le Beretta reposait devant lui, parfaitement remonté.

« Permission de se lever ? »

Vaem fronça le nez, l'air d'hésiter, puis laissa son sourire devenir malicieux.

- Mh... Je sais pas...

Il se leva, s'étira encore un peu et essaya de prendre un air sérieux.

- Si ton pied ne te fais pas trop mal, alors oui, sinon... (son sourire s'agrandit) je marche dessus !

[J'te laisse l'initiative ^^]

D'un regard rieur, Nico suivit les mouvements de l'hôte pour détendre ses muscles. Les craquements, preuves de la concentration passée, l'amusaient. Le mafieux se demandait si Vaëm avait seulement songé à respirer. Vu l'air indigné du chaton délaissé, on pouvait en douter. Les armes à feu devaient passionner le jeune homme pour qu'il en oublie sa bestiole. Tant mieux. Moins de récriminations et plus d'admiration. C'était parfait.

Puis l'héritier devait bien admettre que le regard vert et malicieux était magnifique. Bien plus que l'air renfrogné habituel. Les sourires étaient une beauté si fragile. Celui de Vaëm était...chaud. Nico avait envie d'attraper ce papillon pour le conserver à l'abri. Rien qu'à lui. Immuable. Ou peut-être juste assez libre pour s'épanouir et grandir. Un cocon de bonheur.

« Bien mon capitaine.»

Sa voix fatiguée se teintait d'excitation, depuis Shine, personne d'intéressant à entraîner ne s'était profilé. D'un coup de rein, le jeune homme se redressa, laissant pour un moment encore son vrai visage gagner sur le masque. Les émotions coulaient, changeantes, libres. Un sourire nuancé de douleur. Son pied ne lui posait pas trop de problèmes, mais sa main le brûlait sérieusement. Il forçait pour la fermer.

« Même si je ne crois pas que marcher sur un membre douloureux le rende indolore. »

Saisissant le pistolet, Nico attrapa également la main de Vaëm pour l'entraîner dans la salle d'entraînement. Sa main bandée frottait contre la peau un peu râpée de l'hôte. Des cals. Ce n'était pas plus mal. Tout bon voleur en avait et le Sawada s'était décidé. Il transformerait ce garçon en maître cambrioleur.

« Un détail encore. Tu as choisis un pistolet. Fais attention à récolter toutes tes douilles, contrairement à un revolver, un pistolet les éjecte. »

Sa main se détacha de sa compagne pour pianoter sur le panneau de contrôle. Des cibles apparurent dans le fond de la salle, à distances variées. Nico eut un sourire satisfait. Il adorait son matériel. Surtout les gadgets. Ses yeux glissèrent sur son apprenti, lointains, presque paisibles. Le visage marqué de Vaëm était un condensé de douceur et de rudesse. Energie. Même enfermé, il vivait pleinement. Les yeux brillants pour des bêtises, rageurs à tort ou à raison. L'héritier détailla encore une fois sa propriété. Il n'avait plus osé le faire depuis ses pleurs. A regrets.

Il régnait une ambiance douce, recouverte d'excitation. Respirant tranquillement pour en profiter, Nico se rendit alors compte qu'une minute s'était écoulée sans qu'il ne bouge. Gêné, il marmonna un « Désolé » avant de tendre des protections pour les oreilles à l'hôte. Il enfonça les siennes.

« Observe. »

Se mettant en position stable, il tendit la main tenant l'arme, positionna l'autre à sa taille et tira, un coup. La balle siffla et trancha l'air pour s'enfoncer dans la cible et déchirer le papier. Son résultat fut aussitôt transmis sur un écran annexe. L'héritier grommela, sa main gauche gardait toujours une légère déviation. M'enfin c'était au moins au centre. Un rien vexé, il retira le chargeur du Beretta puis tendit l'arme au garçon.

« Tiens. Mets-toi en position. »

D'un oeil critique, il observa la stature adoptée. Trop crispée. Figé dans son rôle de professeur, il passa ses mains sur le corps tendu pour rectifier le bras, la tête. Ses paumes glissaient sur la peau et le débardeur, douces et fermes. Soupirant en voyant un bras redescendre pour la troisième fois, il saisit la main de Vaëm dans la sienne et les posèrent sur la taille fine. Son membre blessé se referma sur l'arme saisie, recouvrant les doigts nerveux.

« Comme ça... »

Le coeur de l'hôte résonnait du mauvais côté...c'était assez étrange, Nico le sentait battre, au même titre qu'il saisissait les mouvements du corps contre lui. Etrange.

Le jeune homme s'était donc étiré, faisant revenir la souplesse dans ses membres crispés par l'effort et la concentration. C'était à peine s'il avait sentit le chaton filer entre ses jambes pour aller bouder sur le canapé tant ce qu'il venait de faire le captivait. L'arme noire et brillante semblait avoir perdu un peu de son mystère, de son aura de terreur quasi mystique qui planait autour d'elle. Plus qu'une machine à tuer, c'était avant tout une belle mécanique, logique, précise, presque précieuse... et très agréable à manipuler. Maintenant qu'il savait comment elle fonctionnait, l'arme lui faisait moins peur, desserrant le noeud d'appréhension animal qu'il ressentait jusqu'à présent en présence d'un révolver.
La marque dans sa poitrine lui faisait encore mal, parfois.

Les yeux pétillants d'amusement, il avait donné à Nico l'autorisation de se lever à condition que son pied ne lui fasse pas trop mal... sans quoi il marcherait dessus sans hésitation.
Lorsqu'il se redressa, son regard s'égara un moment sur le visage du mafieux, restant fasciné par le brusque afflux d'émotions qui courraient soudain sur les traits du jeune homme. Après le sourire satisfait, qu'il avait apprécié comme le cadeau qu'il était, c'était une expression plus douce et un sourire un peu douloureux qui lui étaient offerts. C'était tellement... inhabituel.
Et avec un petit sourire pour lui-même, l'hôte se fit la réflexion qu'il aimait ça. Il préférait de loin cette facette, le Nico humain, qui avait tellement de mal à se dégager de la gangue du mafieux.

- Un béril...

Secouant la tête avec amusement, il accorda à son compagnon un sourire de chat accompagné d'un sourire diabolique.

- Non certes... mais ça a tendance à faire tomber le sujet dans les pommes et à l'empêcher de bouger... nyark. D'ailleurs tu devrais éviter de forcer sur ta main si tu ne veux pas que je la morde...

Tout en parlant, il avait laissé ses doigts se refermer avec délicatesse sur ceux du mafieux, le suivant avec bonne humeur dans la salle d'entraînement, se retenant avec peine de jouer les gamins en harcelant son compagnons de questions stupides comme "quand est ce qu'on arrive !" "papa j'ai faaaim !" "fait moi un câlin !". Contre sa paume, il pouvait sentir la chaleur de la brûlure ornant celle du jeune homme, et pendant quelques secondes, il hésita à essayer de lui interdire l'entraînement pour aujourd'hui... et puis l'envie de savoir se servir d'une arme l'emporta sur la prudence.
Tant pis pour Nico.
Non mais.

- Ramasser les douilles... d'accord. Elles vont loin ?

La main de Nico s'était détachée de la sienne pour aller pianoter sur une console de commande, activant ainsi un système d'entraînement que l'hôte n'avait encore jamais vu. Décidément... cet endroit regorgeait de surprise. Le jeune homme passa un long moment à s'émerveiller devant le dispositif, au point qu'il ne sentit pas tout de suite le poids du regard posé sur lui. Alors que ses yeux brillaient toujours tels ceux d'un enfant, il tourna légèrement la tête pour rencontrer les saphirs de son compagnon. Ca faisait longtemps, qu'il ne les avait pas croisés de la sorte...
Immobile, il avait subit l'inspection avec la sensation étrange de recevoir une caresse. L'expression qu'arborait le mafieux lui était inconnue. C'était la première fois qu'il la voyait sur son visage...
Déstabilise, il détourna les yeux, mal à l'aise, et presque au même moment, le Sawada sortit de son mutisme avec un "désolé" visiblement embarrassé.

- Pas grave...

Gêné lui aussi, sans raison apparente, il attrapa prestement les protections d'oreilles pour le enfiler, reportant ensuite son attention sur l'Héritier qui venait de se mettre en place. Le coup de feu le fit tressaillir et il eut un léger mouvement de recul instinctif avant de se reprendre. Agacé, il se mordit la lèvre inférieur et s'obligea à son concentrer encore plus, son visage devenant un masque d'attention soutenue qui lui donnait presque l'air sévère.

Et qui dénatura complètement sa position lorsqu'il du se mettre en place.
Crispé, tendu à l'extrême, il se plaça comme Nico l'avait fait peu de temps auparavant, mais ne parvint pas à trouver l'équilibre nécessaire pour bien tirer. Les mains du mafieux sur son corps le firent de nouveau tressaillir, mais il s'y habitua vite lorsqu'il comprit qu'elles étaient là pour l'aider. Lentement, il se laissa adoucir, essayant de redevenir souple, malléable, sous les doigts caressants de son professeur.
En vain.

Son compagnon poussa un soupir et le jeune homme lui adressa un sourire d'excuse penaud qui se transforma en expression légèrement surprise lorsque les doigts bandés se refermèrent sur les siens crispés sur la crosse de l'arme. L'autre bras passa autour de sa taille, et il se retrouva bientôt appuyé contre Nico, sa position se corrigeant alors naturellement pour adopter celle requise.
Non sans que ça provoque en lui une pointe de regret.

Après tout, leur proximité était agréable...
Le jeune homme déplaça légèrement son poids sur son pied arrière, ses épaules venant s'appuyer contre le torse de son compagnon. La chaleur dégagée par le corps de ce dernier se diffusa agréablement dans son dos, et il du retenir un sourire un peu ironique : son sang s'était figé un instant à ce contact, juste avant que son coeur ne s'emballe un peu.
C'était vraiment du n'importe quoi...
Ses doigts se refermèrent avec un peu plus d'assurance sur la crosse de l'arme.

- Ca va là ?...

Son bras avait tendance à fléchir, preuve d'une longue et habituelle pratique du couteau comme arme de défense, et sa position n'était pas encore parfaite, mais ça commençait à venir...
Il adressa un sourire étincelant au Sawada.

- Quand est ce que je pourrais commencer à démolir tes murs ??

« Ca dépend du terrain, elles peuvent rouler, se coincer dans des failles, bref évite de te servir d'un pistolet si tu peux. Il fait du bruit, se détecte facilement...Raisons qui justifie ma préférence pour les couteaux. »

Ses mains parcouraient les bras, les épaules, massant un peu pour corriger les légers défauts qui s'installaient. Contact doux et éphémère. Il regrettait de s'être brûlé, sa main droite perdait de moitié ses facultés sensorielle avec cette bande. Dommage. Juste quand le sourire de Vaëm lui redonnait un peu de confiance.

D'un oeil critique, Nico jugea le jeune homme. Les muscles fins étaient moins crispés, mais toujours aussi tendus. Les nœuds de la nuque avaient l'air de s'être défait, cependant il sentait encore quelques tremblements dans le poignet. Ce n'était apparemment pas un geste naturel pour Vaëm. Logique. Il n'avait sans doute jamais dû se servir d'un pistolet. Son coeur battait si vite, s'en était perturbant. Soufflant doucement contre l'oreille, il répondit en riant :

« N'y compte pas trop. Tu te tiens déjà mieux, maintenant essaie de tenir cette position sans m'avoir derrière toi. »

L'héritier se détacha, un léger regret au coeur. La sensation agréable s'était enfuie. Seule restait une chaleur bientôt refroidie. Sa bouche se plissa en une moue boudeuse avant qu'il n'en reprenne le contrôle, se faisant un peu plus distant pour son rôle de professeur.

« Fais attention à ton bras. Regarde devant toi...Ne crispe pas ta main sur la crosse... »

Ses sourcils se froncèrent un peu, son regard se faisant plus sombre, plus concentré. Il n'épargna aucun détail à son jeune apprenti. La position devait être parfaite. Ne pas être épuisante. Pas de crampes...Vaëm devait se mettre à l'aise, sinon il allait récolter nombre de courbatures. Nico lui tourna autour, traçant des cercles sans se fatiguer. Jusqu'à ce qu'un sourire déride ses traits. Il saisit l'arme et la rechargea.

« C'est déjà bien, tu peux tirer. Attention au recul, il est surprenant les premières fois. Prend garde à ne pas appuyer immédiatement sur la détente. »

Redonnant l'arme désormais dangereuse à Vaëm, une légère anxiété parcouru le Sawada. Voilà. Si l'hôte voulait le tuer, c'était le moment. Sur ses gardes, l'héritier surveilla la tenue du garçon, recorrigeant encore quelques détails. Sa main gauche ne cessait de se balader près de son éternel couteau. Ce n'était pas tant une absence de confiance (même si quand même, voilà.) qu'une paranoïa développée. Nico était prudent.

« Tire trois coups. Vise bien entre chacun, regarde l'écran, corrige-toi. »

Le souvenir du sourire ravi revint planer devant ses yeux. C'était donc aussi facile que ça de faire plaisir à quelqu'un ?

Le jeune homme avait plissé les yeux, perplexe.

- ... Y'a pas moyen de les récupérer au vol ? Par exemple avec un sachet ou ce genre de trucs ?

Il s'était ensuite appliqué à suivre les directives de son professeur, essayant d'assouplir sa posture passablement crispée, s'appuyant sans vergogne contre le mafieux pour parvenir à une position convenable, appréciant même le contact des mains de l'autre sur sa peau dont les doigts venaient corriger les innombrables défauts que l'hôte avait encore.
Comme le pressentait l'Héritier, manipuler une arme à feu était loin d'être naturel pour le jeune homme. Ce dernier était d'ailleurs quasi certain de recouvrer une mauvaise posture dès que son compagnon l'aurait lâché.
Un souffle dans son oreille le fit frissonner.

- Je pense pas que ça va être concluant...

Il coula un regard en coin à Nico, captant vaguement une moue qui lui sembla boudeuse mais qui s'effaça trop vite pour qu'il en ai la certitude. Déjà, le Sawada s'était écarté de lui, le laissant seul et un peu déstabilisé, avec son arme en main et une légère fraicheur sur sa peau maintenant découverte. De nouveau nerveux, il déplaça un peu ses pieds pour se sentir plus stable, fléchissant légèrement les jambes pour se stabiliser, puis tendit le bras comme l'Héritier le lui avait indiqué. Suivant les instructions, il avait détourné les yeux de ceux de Nico pour se concentrer sur sa cible, essayant de suivre toutes les instructions à la fois sans que ça soit tout à fait concluant.

Au bout d'un moment, il finit par craquer.
Plutôt que d'écouter les critiques de son professeur et de se laisser perturbé par les mouvement périphérique de ce dernier autour de lui, il prit une grande inspiration, bloqua son souffle, puis expira lentement pour se calmer avant de laisser son corps adopter la position qui lui semblait la plus naturelle possible. Bien campé sur ses deux pieds, le bras tendu, les épaules légèrement de biais.
Son poignet tremblait encore, mais uniquement à cause de la fatigue : jusqu'à présent, il avait gardé tous ses muscles crispés, considérant l'arme comme un objet à tenir et non comme un prolongement de son bras, et s'efforçant donc de le maîtriser par la seule force de ses muscles. Plus maintenant... même s'il sentait encore certains de ses muscles tressaillir à cause des légères crampes qui s'étaient glissées dans son corps.

Visiblement, cette nouvelle position sembla satisfaire Nico qui s'arrêta bientôt de faire des commentaires pour arborer un sourire satisfait.
Les yeux de Vaem étincelèrent.
Ils allaient passer à la vitesse supérieur.

Et effectivement, le mafieux lui retira l'arme des mains, lui permettant de quitter sa position pour s'étirer un peu et détendre ses muscles endoloris, pour remettre le chargeur dans le beretta.
L'excitation augmenta au creux du vente de l'hôte.
Impatient, il se saisit de l'arme, entendant à peine les dernières recommandations de son professeur.
Il tenait un pistolet armé...

Ses yeux verts suivirent un moment les mouvements du jeune homme à côté de lui, notant avec une certaine ironie la méfiance de l'Héritier, maintenant que son jouet était dangereux...
Un instant, il caressa sérieusement l'idée de tirer sur le mafieux, mais l'inutilité de ce geste se fit bientôt évidente, et il haussa les épaules pour se mettre en position de tir aussi souplement que possible.

Bam.

La première balle partie sans qu'il ne le veuille vraiment, et loupa complètement sa cible. Vaem, le bras dévié par le recul, s'était brusquement retrouvé avec l'arme au niveau de l'épaule, sans comprendre pourquoi.
Les lèvres pincées par la vexation, il se remit en place, prit son temps, et essaya encore... sans plus de résultat.

- Rah !

Agacé, il avait laissé retomber son bras.

- J'y arrive pas !

« Ce ne serait pas pratique...m'enfin tu peux toujours essayer »

Campé sur ses deux pieds, un rien instable pour ne pas trop appuyer sur son pied douloureux, Nico s'était immobilisé pour observer Vaëm. L'excitation des premières fois étaient palpable. Une main à la hanche pour prévenir tout mauvais coup, l'héritier retint un léger soupire. Il voyait se répéter la scène d'apprentissage de Shine. Une crainte devant le coup de feu, une fascination pour la mécanique, un désarroi de ne pas la maîtriser. Il se sentait étrangement vexé. Son métier était un vrai déploiement artistique. Qu'est-ce qu'ils croyaient tous ? Qu'on pouvait s'introniser mafieux du jour au lendemain ?

Ses doigts s'amusèrent un moment à triturer la bande, sans que ses yeux ne daignent se reposer sur l'hôte. Boudeur et vexé, Nico le laissa s'énerver un moment, observant les deux trous nouvellement offerts à son mur. Une couche de plâtre viendrait vite les dissimuler. Le plus difficile serait de corriger le caractère impatient du garçon. M'enfin, il avait bien réussi avec Shine, et ce n'était pas un mince exploit.

« Tu ne croyais quand même pas que ce serait aussi facile ? Tu ne t'es même pas appliqué à viser pour le premier coup, quand au deuxième, tu t'es encore laissé surprendre par le recul. »

Un rien sévère, il reprit l'arme de la main droite cette fois et la déchargea sur la cible. Même si ses mouvements étaient rapides, il était facile d'observer toutes les étapes. Position, visée, tir. Pas de gestes superflus. C'était de l'art après tout. Epuré au possible. Et bordel il espérait que cette démonstration impressionnerait Vaëm, sa main lui faisait un mal de chien à présent.

« Ca demande un entraînement. Comme tout. Se battre est une discipline de haute volée, comme le vol, la maitrise des armes. Tu n'es qu'un garçon des rues...débrouillard, mais sans aucune discipline. Même si tu te bats bien. Reprend ton Beretta et reste en position de tir...je te dirai lorsque tu peux te reposer. Ce n'est pas une machine...essaie de le sentir. »

Ouvrant les fenêtres pour aérer la pièce, le Sawada dissimula son sourire en regardant le jardin familial. L'envie de se venger des crasses de l'hôte n'avait pas attendu pour refaire surface. Vaëm allait se rendre compte de ce que signifiait être un mafieux. Un vrai. Avec l'entraînement qui va avec. Enfin pas totalement. A moins que l'hôte ne soit également intéressé par la politique, la manipulation et toutes ces idioties amusantes.

Profitant d'avoir pris sa journée, Nico alla chercher un livre puis revint s'asseoir auprès de son apprenti. Il n'allait s'ennuyer à le regarder....si ? Après tout, c'était à présent au plus jeune de réaliser que ses muscles n'étaient pas habitués à cette position, que le pistolet semblait réchauffer la main.

« Une fois que tu as tiré et que tu t'es mis en sécurité, nettoie ton arme et tes mains. Tes habits aussi. Le pistolet émet des résidus de tir qui se détectent assez facilement. Moins maintenant qu'ils ont changé la composition des poudres, néanmoins le dessin sur la main est assez caractéristique. »

S'assurant que son interlocuteur l'avait bien écouté, le professeur improvisé se replongea dans son livre, n'en sortant que quelques fois pour rajouter des conseils sur la manipulation des armes. Ou pour admirer Vaëm souffrant...à choix. La deuxième option était lassante à force.

Il avait donc raté ses deux essais, peut-être parce qu'il réfléchissait en même temps à comment récupérer les douilles, peut-être - certainement ? - parce qu'il n'avait pas réellement la patiente qu'il fallait pour s'aligner et viser. Habitué aux armes blanches, il avait toujours vécu dans le mythe de ceux qui n'avaient jamais touché à une arme à feu : il suffisait d'appuyer sur la détente pour abattre sa cible.
Simple.
Sauf dans la réalité.
Surprit par le recul, il s'était donc retrouvé avec la main au niveau de l'épaule et une sacré boule de contrariété au creux du ventre. Se remettant en position, il avait vaguement prit le temps de refaire comme Nico lui avait apprit et... avait raté son nouveau tire avant de se mettre à râler.

« Tu ne croyais quand même pas que ce serait aussi facile ? Tu ne t'es même pas appliqué à viser pour le premier coup, quand au deuxième, tu t'es encore laissé surprendre par le recul. »

Le jeune homme esquissa une moue contrariée et croisa les bras sur la poitrine, laissant son mentor s'emparer de l'arme pour une démonstration qui n'allait certainement pas manquer de le rendre admiratif, mais qui était tout de même un peu humiliante. Ouais bon d'accord ! Il y arrivait pas du premier coup, c'était pas non plus une raison pour exhiber le fait que LUI, l'Héritier, il y arrivait facilement ! Sans dec... une simple reprise d'explication - ou un peu d'aide, comme tout à l'heure - aurait suffit...
Boudeur, Vaem ne releva pas l'utilisation de la main droite, bien décidé à ne rien montrer de son admiration. Le geste de Nico était fluide, efficace, gracieux. Parfait en somme.
Et puissamment irritant.

« Ca demande un entraînement. Comme tout. Se battre est une discipline de haute volée, comme le vol, la maitrise des armes. Tu n'es qu'un garçon des rues...débrouillard, mais sans aucune discipline. Même si tu te bats bien. Reprend ton Beretta et reste en position de tir...je te dirai lorsque tu peux te reposer. Ce n'est pas une machine...essaie de le sentir. »

*Gna gna gna...*

Ce qu'il rêvait de sentir, là, c'était plutôt son pied sur celui de l'Héritier - le blessé, bien sûr - ou contre son auguste postérieur.
Ravalant sa mauvaise humeur, le jeune homme récupéra l'arme vide et prit position en veillant bien à suivre les consignes qu'on lui avait donné. Expulsant lentement l'air de ses poumons pour se calmer, il entreprit de se concentrer, essayant d'ignorer le fait que son mentor s'était tranquillement installé avec un livre comme si de rien n'était.

Fermant les yeux, il essaya de sentir l'arme, comme on le lui avait conseillé, et laissa sa conscience remonter doucement le long de son bras pour mieux appréhender l'objet qu'il tenait entre les mains. La crosse jadis froide qui se réchauffait progressivement, le dessin de la détente, le poids de l'arme sur ses doigts, sur ses bras, la tension que cela provoquait dans son épaule... et la douleur aussi. Parce que mine de rien, rester dans la position - qu'il avait déjà surnommée mentalement "majorette" - ça finissait par être douloureux. Tout d'abord, ses jambes, pas habituées à l'immobilité, le démangeaient. Il avait envie de bouger, de décrisper ses muscles et de les détendre en se déplaçant un peu. Puis ses hanches, qui supportaient une position pour le moins contraignante et inhabituelle commençaient sérieusement à lui faire mal, sans parler du fait que son bras se raidissait progressivement pour arriver à conserver le bras tendu dans le prolongement de l'épaule et le canon bien pointé vers sa cible.
Bref... la galère.

Si bien qu'au bout d'une heure et demi, il craqua.

- Rah !

Servie par un magnifique geste digne d'un lanceur de baseball en ligue 1, l'arme apprit à voler et allait heurter le mur au fond de la pièce tandis que le jeune homme se laissait lourdement tomber sur le sol, les jambes étendues devant lui.

- J'en ai marre ! Ça suffit !

Les yeux verts se posèrent sur Nico, furibonds.

- C'est pas comme ça que je vais avancer ! On apprend rien en restant immobile !!

Les pages tournaient, une à une, pari feuillu. Combien de temps Vaëm tiendrait-il ? Un chapitre ? Deux...? Nico retenait son sourire. A la première séance, il avait quitté la salle en claquant la porte après seulement un quart d'heure. Bon, il s'était fait ramener par le fond de ses culottes, mais jeter l'arme au nez de Lio avait été un plaisir non dissimulé. Si on omettait son fichu air narquois. Foutu instructeur trop sûr de lui. L'hôte devait sans doute penser la même chose à présent, même s'il se révélait bien plus patient que son maître. Après une heure, l'héritier ne cessait de jeter des coups d'oeil, agréablement surpris. Mon dieu, il avait récupéré une perle ? Ou un abrutit sans caractère ? Moui, la deuxième solution était une belle utopie.
Une heure et demi...cette fois, Nico ne se retenait plus et fixait sans artifice son élève. Un soupire de soulagement faillit lui échapper lorsque que le pistolet vola. Enfin. Il avait failli être choqué.

Observant Vaëm écrasé au sol, le jeune maître reprit son air sévère. L'hôte promettait, comme Shine. Ce qui entraînait un irrépressible désir de le pousser à bout. Tirer les limites. Sans se hâter et sans daigner répondre à l'apprenti, il rejoignit l'arme et la ramassa, vérifiant rapidement que rien n'avait souffert.

« Debout. Un pistolet est une mécanique minutieuse, on ne le jette pas ainsi. Puisque tu tiens tant à bouger...voyons où en est ton physique. »

Déposant l'arme sur son livre, Nico pianota sur le clavier de commande pour un terrain d'entraînement plus propice au démoulage. De longues perches, des anneaux, des cordes, des espaliers, un long filet, des piques. Il y avait de tout, aux choix. Longeant les murs, une piste fit son apparition en dernier au grand bonheur du blessé. On avait bien remplacé la matière plastique. Tout était parfait !

« Cours, je t'en prie. Mais ne t'arrête pas, j'ai la mauvaise manie d'apprécier les cibles fixes. »

Un sourire aux lèvres, il rechargea l'arme et visa Vaëm, sans tirer tout d'abord. L'héritier n'était pas inhumain, courir sans chaussures était...une très bonne idée.

« Ne mets pas les chaussures, tu courras à pied nus. »

C'était clairement une punition. La balle partit et s'échoua près d'une des pieds du garçon. Nico ne cachait pas son intention de réellement égratigner l'hôte s'il ne donnait pas tout ce qu'il avait. Après tout, vivre se méritait.

Il ne permit à Vaëm de se reposer qu'une fois étalé à terre. Reposant alors l'arme, il proposa un verre d'eau au jeune homme avant de lui désigner les espaliers. Son sourire annonça très clairement ses paroles : abdominaux.

« Fais gaffe, y a un pic qui sort à intervalle régulier. Mon père était vraiment cinglé. »

Et l'était toujours, m'enfin détails. Le mafieux s'assit aux côtés de son élève, exigeant, mais aussi encourageant. Une sorte de contrat tacite : donne moi tout ce que tu peux et je t'emmène vers la victoire.

Le jeune homme s'était relevé de mauvaise grâce, visiblement peu disposé à continuer l'entraînement. Boudeur, il avait écouté Nico d'une oreille plus que distraite tout en se massant machinalement une hanche un peu plus douloureuse que l'autre jusqu'à ce qu'un ronronnement de machine le fasse sursauter. Nico venait d'enclencher l'un des nombreux programmes de la salle d'entraînement, faisant sortir des murs et du sol un véritable parcours du combattant.
Amusé, l'hôte esquissa un sourire.

- Mon physique hein ?

Très sûr de lui, il se permit une petite pose arrogante, hautement conscient de ses capacités. Il était le meilleur dans son domaine. Il maîtrisait parfaitement son corps, ses muscles, sa respiration... rien de tout ce qui était sortit ne l'impressionnait...
En fait, ça l'excitait plutôt.
CA c'était du terrain.
Les yeux brillants d'avidité, comme un gamin devant une tarte au sucre, il se laissa à regretter de n'avoir pas découvert ce programme plus tôt : il aurait pu se maintenir réellement en forme et s'entraîner pour son évasion.

« Cours, je t'en prie. Mais ne t'arrête pas, j'ai la mauvaise manie d'apprécier les cibles fixes. »

- QUOI ?

Il fixa un regard atterré sur le mafieux qui venait de récupérer le beretta et qui le visait à présent avec l'arme chargé.

« Ne mets pas les chaussures, tu courras à pied nus. »

Un instant, le jeune homme regarda son compagnon sans comprendre, puis une balle siffla non loin de son pied, lui faisant faire un bond en arrière. L'espace de quelques secondes, il hésita visiblement entre se rebeller et accepter le défis, puis finalement, il se baissa pour retirer ses chaussettes, fit un beau bras d'honneur à Nico, et fila sans demander son reste sur la piste. La séance qui suivit fut éprouvante au point que Vaem perdit rapidement le compte du temps. L'Héritier ne lui laissait pas de répis, l'empêchant de prendre des pauses, de ralentir, de prendre les chemins les plus faciles. Perches, anneaux, cordes, filet, piques... tout y passa jusqu'à ce que le garçon des rues finisse par demander grâce.

Couvert de sueur, le souffle court, la vision un peu trouble, il s'était écroulé sur le sol en se souciant peu des conséquences ni du temps qu'il avait tenu. Ses pieds lui faisaient un mal de chien et il avait du mal à penser à autre chose...
Un verre d'eau vint danser devant ses yeux et il l'accepta avec reconnaissance, lapant lentement le liquide pour en profiter à fond. Alors qu'il reposait le verre, Nico attira son attention sur autre chose.

Espalier...
Non...
Non non non non non !
Nooooooooooooooooooooooooon ! T^T

Avec l'air de quelqu'un qu'on emmène a l'échafaud, le jeune homme se redressa lentement, pris place sur l'appareil et commença à faire travailler le haut de son corps non sans grimacer régulièrement sous le coup de la douleur : ça c'était un truc qu'il n'aimait pas faire... son ventre était naturellement musclé par les tractions et ses activités en extérieur, faire des abdos, ça servait à rien.... sauf à lui faire mal. Là dessus, il n'avait aucune ténacité.

- Un QUOI ?

Alors qu'il finissait sa phrase, le pique en question frôla son cuir chevelu, le forçant à se redresser vivement. Là, il abandonna.

- Non non non non.

Remontant vers le haut, il libéra ses pieds et se laissa retomber sur le sol.

- Ça je peux pas (il passa les bras autour de son ventre douloureux). Vraiment pas...

¨
La pose arrogante de Vaëm lui arracha un sourire. Bientôt les deux pieds fièrement tendus se courberaient sous le poids de la fatigue. Personne ne pouvait tenir indéfiniment face à ce parcours. Il avait été conçu pour épuiser puis renforcer l'endurance. L'abandon ni la rébellion n'étaient toléré. Le beretta était bien utile pour s'assurer de la ténacité de l'élève. Un coup de feu et l'hôte bondissait comme un cabri sur cette piste infernale. D'un oeil appréciateur, Nico jugea ses mouvements, notant les quelques gestes superflus, les petites erreurs. Son impression se confirma. Vaëm était fait pour être voleur. Il avait la prestance, l'insolence et l'agilité de cette profession.

Deux balles partirent pour accélérer un peu le rythme, mais dans l'ensemble, le mafieux était satisfait. Pour une première fois, les résultats étaient à la hauteur. Sauf en tir bien sûr, mais ce n'était qu'une question de temps. Apprivoiser les armes était un long apprentissage. Lorsque le corps fin céda à l'effort, le verre d'eau était bien mérité. La sueur rendait la peau de Vaëm agréablement brillante. Légèrement rouge, les pommettes bien rosées mettait ses yeux verts en valeur. Cette image justifiait à elle seule l'effort d'un entraînement. Nico se jura d'épuiser son jouet plus d'une fois. Juste pour cette vision.

Ou celle, plus amusante, de la tête d'enterrement. Oui, oui, les abdominaux étaient importants. Il y avait certaines situations où ils demeuraient le seule et unique secours. Son rire s'échappa sans qu'il puisse le retenir à l'exclamation de l'élève. Pas pour longtemps. L'abandon lui fit froncer les sourcils. D'une main un peu rude, il redressa son apprenti et l'emmena vers une barre métallique.

« Je vais te montrer à quoi servent les abdominaux. Sans eux, tu ne peux pas faire de montée du ventre. Sans cette figure, tu ne peux pas te redresser en cas de coup dûr. »

Montrant la position à prendre, Nico attrapa la barre de ses mains et monta ses jambes à la force du ventre. Finissant assis sur l'obstacle, il ajouta :

« Tu comprends ? Imagine toi en pleine course poursuite, ne pas pouvoir le faire se révélerait gênant. Retourne aux espaliers, tu m'en fais jusqu'à ne plus tenir. J'en jugerai. Ensuite je te promets la piscine si tu as donné ton maximum. »

Boudeur il avait suivit le mouvement non sans garder les bras croisés sur le ventre. Boitillant, il s'était donc retrouvé à suivre Nico jusqu'à une barre métallique qui servit de présentation aux arguments de l'Héritier, arguments auxquels le jeune homme trouvait à redire. Après tout, avec l'élan de la course poursuite, il lui suffisait d'utiliser ses bras pour hisser son corps tout en se servant de l'élan de sa course comme balancier pour tourner autour de la barre et s'y rétablir.
D'ailleurs, n'auraient été les douleurs sous ses pieds, il aurait démontré son argument dès maintenant.

Avec un gros soupir, il reprit la direction de l'espalier, faisant travailler sa cervelle pour essayer d'éviter l'exercice.
Sans dec.... les abdos, il détestait ça.
Viscéralement.

Un instant, il resta figé devant l'instrument de torture, caressant l'idée de faire deux abdos puis de dire qu'il était à bout (c'était la consigne donnée par le mafieux non ?), mais quelque chose dans le regard de son compagnon l'en dissuada.
Et puis il y avait le mot magique...
Piscine.

Piscine. Eau. Extérieur. Nager !
Pouvoir sentir son corps entouré de ce doux élément, répondant à la moindre impulsion avant de s'assouplir brusquement pour se laisser couler. La délicieuse sensation de flottement, de silence, de bulle hors du monde qu'apporte le fait d'être sous l'eau, allongé contre le sol, les yeux levés vers un ciel qui n'est plus que lumière...

Alors lentement, il saisit les montant des espaliers...

- Stoooop...... j'en peux plus...

Pendu la tête en bas, juste retenu par ses pieds, Vaem agonisait. La douleur était descendue de ses orteils pour venir envahir ses jambes et ses reins. Quand à son ventre, il n'était plus qu'une cuisante bande de chair qu'il avait envie d'arracher. Lâchant prise, il s'écroula lamentablement sur le sol et resta allongé là, les yeux fermés, couvert de sueur au point d'en avoir froid. Du bout des doigts, il chercha vaguement le gilet qu'il avait abandonné quelque part dans la bataille mais, trop épuisé pour réellement bouger, il abandonna bien vite.

Un bras sur le visage, en travers des yeux, il se laissa aller à grogner :

- Si maintenant tu me laisse pas aller dans la piscine, je t'écharpe...

La tête butée du gamin lui arracha un sourire. Les abdos étaient rarement le pêché mignon des sportifs, plus une corvée à éviter. Néanmoins, Nico persisterait. On ne pouvait pas toujours courir pour prendre de l'élan. Puis l'exercice renforçait la discipline du corps, soulignait la limite de la douleur. Raison de plus pour l'éviter. Il fallait une belle carotte pour persuader de l'intérêt de l'exercice. En l'occurrence, la promesse d'une baignade fit des merveilles. Assis en tailleur sur le sol, le mafieux n'eut plus qu'à parier sur l'honnêteté et la ténacité de son compagnon.

Il perdu. Vaëm était plus honnête que lui. Combien de fois s'était-il arrêté, jeune adolescent, prétextant une crampe, une fatigue. En vain d'ailleurs, bizarrement, ses mensonges ne passaient jamais. La langue trop pendue pour un épuisé peut-être. Sa main attrapa le gilet pour le passer à l'apprenti.

« Il y a des maillots dans mon armoire, repose-toi et bois un peu d'abord. Tu n'es pas trop fatigué pour aller te baigner ? »

Le Sawada constatait facilement la dépense effectuée, par la sueur, l'épuisement du regard, le souffle un peu court. Non, Vaëm ne mentait pas, il n'en pouvait réellement plus. La piscine devait lui faire pousser des ailes. L'excitation sans doute. Tant qu'elle ne retombait pas au plein milieu du bassin, Nico n'y voyait aucun inconvénient. Il attrapa deux costumes au hasard puis rejoignit l'hôte pour le guider jusqu'au bassin extérieur. Autant profiter du soleil.

Situé sur le toit, entouré d'un joli jardin, la piscine brillait doucement à la lumière un peu orangée. Il n'y avait pas le risque d'indiscrétions. Pas de caméras et les hélicoptères à l'affut se repéraient trop facilement pour qu'on les craigne. Un lieu idéal pour les assassinats. Lors de son plan, Nico avait prévu de tuer son père ici-même. Il avait échoué et le regrettait toujours. A chaque baignade.

« Tu peux aller te changer derrière les arbres, il y a un paravent en noisetier... »

L'héritier n'avait pas le même soucis de pudeur que son hôte. Sans avertir, il se dépouilla du reste de ses habits pour revêtir le short approprié. Noir. Pas très innovant. La couleur sombre ne rendait guère justice à son corps, mais il s'en fichait. La carnation blanche de sa famille coupait violemment avec ses cheveux, son tatouage et son habit, le faisant ressembler à un vampire. Un vampire carré aux yeux bleus et sacrément bien musclé.

L'eau clapotait autour de ses chevilles tandis qu'il attendait son nouveau protégé. Il pouvait bien l'admettre à présent. Vaëm ne craindrait jamais grand chose tant qu'il restait près de lui. Des coups, de la colère, des emprisonnements. Nourri, logé, entraîné. Libre peut-être.

Perdu dans ses pensées, le jeune mafieux offrait une cible facile. Tâche blanche dans le vert végétal. Calme et immobile, tentant d'interpréter les baisers de l'après-midi. De comprendre le caractère de son jouet. D'oublier à quel point cet endroit apaisant le révoltait. Il n'avait même pas pu affronter son père ce jour-là. Des sous-fifres l'avaient encerclé et rageur, l'héritier avait bien dû plier. Une énième fois.

Désormais allongé , les jambes dans l'eau et la tête sur l'herbe, il se laissait réchauffer le dos par les catelles noires. Les yeux fermés sur des nuages imaginaires, le jeune homme se serait bien endormi, mais il n'était malheureusement pas seul.

Un vague râle d'agonie répondit aux consignes du mafieux et Vaem ne bougea pas d'un iota, restant allongé sur le sol maintenant humide, le gilet posé en travers de la poitrine. Il n'avait pas la force de se relever... cependant il n'avait pas le choix : l'Héritier pouvait à tous moments changer d'avis. Et s'il avait prit sa journée, ça ne voulait pas non plus dire que quelqu'un ne pouvait pas l'appeler et couper ainsi l'herbe sous le pied de l'hôte.
Et ça il l'aurait très mal supporté.
S'il en avait autant CHIER c'était justement pour ce moment. Celui où il serait dehors à se reposer dans l'eau, en savourant la caresse du soleil.

Serrant les dents, il ramena doucement ses coudes sous lui pour se redresser avec un grognement douloureux. Son ventre lui faisait vraiment un mal de chien.
Lentement, il passa le gilet, le serrant autour de son corps glacé de sueur, puis bascula en position debout.
Un petit gémissement plaintif lui échappa.

*Piscine... pense à la piscine...*

Lorsque Nico revint, le jeune homme lui offrit son plus beau sourire.

- Pas fatigué le moins du monde !

Bon, certes, c'était pas très crédible, mais il aurait été capable de faire le poirier sur le champ juste pour pouvoir aller faire trempette. Se chargeant des maillots et des serviettes, l'hôte suivit son compagnon en direction du toit, arrivant bientôt sur une terrasse transformée en jardin au centre duquel trônait la piscine comme un joyaux au creux de son écrin de verdure.
Un frisson de plaisir anticipé remonta le long de son échine.

« Tu peux aller te changer derrière les arbres, il y a un paravent en noisetier... »

- Ah... oui. Merci.

Le temps qu'il termine sa phrase, Nico avait déjà commencé à se déshabiller. Abandonnant costume de bain et serviettes pour l'Héritier, Vaem se détourna en rougissant légèrement, mal à l'aise. Ses yeux n'avaient pu s'empêcher de capter l'éclat de la peau blanche, le dessin des muscles jouant sous cette dernière, et une partie de l'anatomie de son hôte pour le moins... bien faite.
Essayant de chasser cette... préoccupation, de son esprit, le jeune homme fila jusqu'au fameux paravent et prit le temps de se changer (c'est fou comme c'est compliqué d'enfiler un short lorsqu'on ne peut pas se plier en deux...) puis de s'asseoir pour laisser passer un vertige. Peut-être aurait-il du réclamer à manger aussi...

*J'me demande si y'a un room service chez les mafieux...*

Un petit rire lui échappa et il se força à se lever, regagnant le bord de la piscine. Le mafieux s'y trouvait déjà, les pieds dans l'eau, sa peau blanche rendue légèrement lumineuse par la lumière du soleil. Vêtu de noir, comme à son habitude, le jeune homme semblait complètement perdu dans ses pensées, au point que Vaem envisagea brusquement de lui sauter sur le dos pour le pousser à l'eau. Mais avant qu'il ne puisse mettre son projet à exécution, l'autre s'allongea dans la flotte, les yeux fermés, le laissant sur sa faim.
Lentement, l'hôte s'approcha du bord de l'eau.

Si le noir contrastait violemment avec la carnation blanche du Sawada, il se mariait pas trop mal avec la pigmentation matte de l'hôte. Sa peau naturellement ambrée et roussie par de régulières expositions au soleil se mit rapidement à absorber les rayons lumineux pour le plus grand plaisir du jeune homme qui resta un long moment immobile à savourer la caresse du vent sur son corps endoloris et la sensation d'espace autour de lui.

- Manque plus que de quoi manger, et ce serait parfait...

Remontant le short un peu trop grand qui avait tendance à glisser sur ses hanches, Vaem finit par glisser sans bruit dans l'eau pour ne pas déranger son compagnon, et commença à nager.
Mon Dieu que c'était bon...

Prenant son temps, il laissa ses muscles nouer se détendre sous l'effort plus doux de la natation. Sport de prédilection du garçon, c'était aussi le seul moyen qu'il connaissait pour se détendre, avec la course à pied. Au bout de quelques longueurs, l'hôte accéléra progressivement le rythme pour achever de faire revenir le sang dans ses muscles crispés et... coula.
Net.
Double crampes. Ventre et jambe droite.
Bloup !

Les doux rayons de soleil se reflétaient sur l'étendue cristalline, illuminant d'une chaude lumière la verdure aux alentours. Les triolets des oiseaux diurnes donnaient la touche finale à un tableau de tranquillité. Les yeux ouverts sur les nuages, Nico se laissait lentement s'enfoncer dans l'atmosphère de coton, accordant un peu de repos à ses pensées. Sa peau luisait vivement, luttant contre les ultraviolets, trop blanche pour espérer y échapper. Comme quoi même le plus bienfaisant des astres se révélait destructeur. Pas étonnant que de tout temps il ait représenté le courroux du juste, protecteur, mais impitoyable. La puissance était comme la magie, neutre, il ne tenait qu'à son possesseur d'en construire quelque chose de grand. Peu attentif, il sortit une réponse facilement adaptable.

« Mhmm... oui...»

Morphée avait un bien joli sourire. Quelle charmeuse...Tournant un peu la tête pour chasser le parfum enivrant des rêves, le mafieux se sentit tout à coup très réveillé. Ou alors il était dans le plus beau de ses songes chrétiens. Le costume noir allait magnifiquement bien à l'hôte, juste assez grand pour glisser et provoquer de charmantes visions. Le tatouage, la peau mâte...Redressé sur les coudes, Nico ne tenta même pas d'être discret. Il acheva de déshabiller le gamin dans sa tête, un léger sourire aux lèvres, soucieux de contrôler son image. Non, parce que l'image d'un héritier mafieux détaillant un autre homme tel un puceau...très peu pour lui. Et plouf, plus de vision.

Soupirant le Sawada referma ses yeux avant de se laisser glisser dans l'eau, toujours dans la même position. L'eau frôlait agréablement son torse, fraîche, elle contrastait avec le chaleur toujours aussi présente. Détente...Après un inspiration profonde, il s'enfonça sous les flots, accueillant en lui le calme du bassin. Les yeux ouverts, un peu brûlés par le chlore, Nico resta à nager sous l'eau, une sensation de plénitude envahissante pour lui tenir compagnie. Il se sentait si bien là-dessous...mieux que dans un lit. Pourquoi n'était-il pas né avec des branchies ? Au moins aurait-il pu rester une éternité entouré de cette douce lumière.

A condition de supprimer Vaëm bien sûr. La notion de calme ne devait sans doute pas signifier grand chose à ses yeux. La piscine était pourtant assez grande pour deux ! Pas besoin de crier ou d'éclabousser ou de...se noyer.

Mais quel con.

Sérieux, on ne pouvait pas le lâcher une minute sans le voir s'enfoncer dans une catastrophe ?

Exaspéré, mais surtout inquiet, Nico remonta à la surface pour avaler une goulée d'air avant de replonger. Les mouvements brusques de l'hôte ne l'aidèrent guère, mais il se débrouilla et faufila un bras sous les aisselle du garçon avant de le tirer à la surface. Le remonter sur la terre ferme allait être une partie de plaisir. Prenant appui sur le rebord, l'aîné déplaça son cadet de ses bras à son épaule puis cette dernière au rebord. Et de remonter à son tour pour allonger le rescapé et s'effondrer à ses côtés, essoufflé. Mais pas assez pour ne pas gronder.

« Je t'avais dis de me DIRE si tu étais TROP fatigué ! »

Le soleil virait doucement à l'orangé, mais la couleur n'eut aucun effet apaisant sur l'inquiétude du mafieux.

« C'est comme de dire que tu as faim, demander quelque chose, tu connais ? Je ne suis pas un monstre non plus ! »

Techniquement si. Mais il n'avait pas envie d'en parler.

La douleur l'avait saisit au milieu d'une longueur, quelque part vers le centre de la piscine, lui coupant le souffle en même temps que les forces. Brusquement plié en deux, le jeune homme avait sentit l'eau se refermer sur lui, l'engloutissant tandis que ses muscles se raidissaient sous la crampe. La jambe droite paralysée, le ventre en feu, il avait tenté de se débattre, de remonter vers la lumière qui scintillait doucement au-dessus de lui, a à peine une trentaine de centimètres, mais trop loin quand même...
Un minuscule gémissement s'était échappé de ses lèvres en même temps qu'un filet de bulles tandis que le fond l'attirait inexorablement, l'éloignant de la lumière, jusqu'à le plonger dans... l'ombre ?...
Alors que sa dernière bouffée d'air remontait vers la surface, son cerveau embrumé capta la présence d'un être au-dessus de lui. Bientôt, un bras passa sous les siens, et il cessa de se débattre pour faciliter la tâche à son sauveur, l'une de ses mains se refermant péniblement sur la nuque de ce dernier.

Ses poumons le brûlaient...
Il avait besoin d'air...

Son visage creva la surface, libérant sa poitrine du carcan de l'asphyxie, et il s'agrippa de plus bel à son compagnon, craignant de re-boire la tasse : quelque chose lui disait qu'avec la crampe qui lui sciait le ventre, un autre aller au fond de la piscine lui serait fortement préjudiciable...
Le rebord du bassin lui égratigna bientôt les côtes, et il finit par se retrouver roulé en boule sur le pavé, les bras serrés autour de son ventre douloureux, le souffle court, sa peau dorée et humide scintillant au soleil de l'après-midi. Il aurait voulut pouvoir se retourner pour se nicher contre la présence réconfortante – bien qu'effrayante aussi – du Sawada dans son dos, le temps que ses muscles se détendent et que la douleur reflue.

« Je t'avais dis de me DIRE si tu étais TROP fatigué ! »

Un petit gémissement s'échappa des lèvres de l'hôte, et il se recroquevilla un peu plus tandis que la brûlure de la crampe lui dévorait les muscles. La phrase lancée sur un ton courroucé venait de le couper dans son élan de faiblesse, et il essaya de tant bien que mal d'articuler une réponse.

- Pas... fatigué... voulait nager... pouvait changer d'avis...

Le garçon roula péniblement sur le dos, tentant de se déplier pour étirer ses abdominaux dont la crispation devenait tout bonnement insupportable. Il lui avait pourtant dis que les abdos c'était pas pour lui ! Et qu'il détestait ça ! Mais non... il avait fallut qu'il le force à en faire !
Les dents serrées, livide, Vaem ordonna vainement à son corps de se détendre un peu et tourna la tête vers le mafieux étendu à ses côtés. L'eau ruisselait doucement sur son visage depuis ses cheveux détrempés plaqués sur son front, soulignant ses traits tirés et rendus légèrement osseux par les privations. Il aurait aimé pouvoir expliquer à l'Héritier combien c'était important pour lui, de pouvoir évoluer dans l'eau, à l'air libre, en extérieur, lui expliquer que même avec une jambe cassé il se serrait forcé à monter les marches pour pouvoir sentir l'espace autour de lui et la sensation de l'eau sur sa peau. Mais l'éclat glacé des yeux saphir l'en dissuada : il n'était pas encore à même d'en déchiffrer toutes les expressions, et dans le doute...

Prenant une petite inspiration douloureuse, il passa une main tremblante sur le bas de son ventre – là où la crampe se faisait le plus sentir – et ferma brièvement les yeux, les lèvres entrouvertes sur un souffle laborieux. La seconde phrase le fit sourire. Non Nico n'était pas un monstre... juste un mafieux embrigadé et borné, maladroit, insupportable, mais avec un bon fond... qui avait du mal à remonter. Ça il avait finit par le comprendre.

- J'sais... mais dans l'doute... t'aurai pu... être appelé... voulait... sortir...

Il rouvrit les yeux tandis que la crampe s'apaisait un peu, arrêtant de lui cisailler le ventre et la jambe pour juste les transpercer de façon fort désagréable. Son ventre gronda un peu et il détourna la tête pour regarder le ciel, laissant la lumière ambrée du soleil lui apporter un peu d'apaisement. Un petit bout de langue passa furtivement sur ses lèvres sèches.

- Et être enfermé me coupe l'appétit… j'arrive pas à manger dans ces cas là...

Il tourna de nouveau la tête vers le mafieux à ses côtés. Son ventre continuait de lui faire mal... il ferma les yeux, rêvant secrètement d'un massage.

- J'suis épuisé... mais je voulais sortir...