Bataille de chifonniers (pas d'idée de titre oui :D)

Le temps avait passé...
Lentement, certes, mais quand même.
Doucement, Vaem avait commencé à reprendre du poil de la bête sous la tutelle d'Eirei et les quelques bons soins de Nico après que ce dernier se soit souvenu de son existence. Par résignation et commodité, le jeune homme avait commencé à prendre ses habitudes dans le grand appartement de l'héritier Sawada : levé tôt le matin, il préparait le petit déjeuné pour s'occuper, puis errait un moment dans les pièces silencieuses avant de retourner s'allonger lorsqu'il entendait son "maître" s'agiter dans sa chambre. Il l'évitait. Autant que possible.
En fait... il boudait.
Voilà la réalité.
Il boudait et attendait patiemment le départ du brun pour sortir de nouveau et aller se servir dans la bibliothèque. Lorsqu'on était forcé de rester enfermé, la télévision devenait vite insupportable : voir l'extérieur par le seul biais de ce petit écrans le rendait littéralement malade...

Alors il lisait.
Beaucoup.
A vrais dire, en deux semaines, il avait sérieusement attaqué le contenu des bibliothèques Sawadienne. Beaucoup de livre d'histoire, des trucs de criminologie, et, à sa grande surprise, quelques romans. Une fois ces derniers finis, il s'était mis en tête de lire tous les autres pour essayer de mieux comprendre son gardien (dans l'idée de pouvoir le prendre au dépourvu, ou de se servir de ça contre lui).
Actuellement, il était plongé dans un manuel des plus grands crimes de l'histoire, et attendait avec impatience le départ de Nico pour s'y replonger.

Lorsqu'il entendit enfin la porte de l'appartement claquer, il s'étira paresseusement sur le lit, comptant mentalement jusqu'à vingt avant de quitter sa couche et filer dans la salle d'entraînement. Cela faisait quelques jours à peine qu'il "l'empreintait" tous les matins, réveillant son corps empâté par près de trois mois d'immobilisation, disciplinant ses muscles endoloris et son mental défaillant par des exercices simples lui permettant de ne pas perdre sa fougue et sa force naturelle.
Après ça, douche, très longue, et petit saut dans des habits confortables (Pantalon trop large et pull à col roulé noir) pour ensuite aller atterrir (ou plutôt aller se vautrer) sur le canapé du salon avec son livre en cours. Il lui fallut un peu de temps à réaliser qu'il y avait quelque chose d'inhabituel.
Et trois bonnes heures à réaliser ce que c'était.
Nico avait oublié de fermer sa porte.
Elle baillait. Très légèrement mais elle baillait.

Poussé par la curiosité, un minuscule sourire aux lèvres, il déposa son bouquin sur les coussins pour se glisser jusqu'à la chambre. Du bout du pied, il l'entrebâilla un peu plus, hésitant longtemps sur le seuil avant de s'y glisser, les yeux brillants.
La salle, comme il s'y attendait, était meublée de façon assez spartiate de fonctionnelle : un grand lit (qu'il lui semblait confusément avoir déjà visité), un bureau, des poufs sur un tapis, de grandes armoires contenant des trucs aussi peu intéressants que... des dossiers, des dossiers, des dossiers, des armes (il passa beaucoup de temps à les regarder d'ailleurs, admirant la collection) et.... des jeux ?!
Éberlué, le jeune homme passa en revue quantité de jeux vidéos, mangas, animés, tombant des nues lorsqu'il se trouvait avec des yaois écornés entre les mains, ou encore des romans qu'il ne s'attendait réellement pas à trouver ici.
Avec un grand sourire, il les accapara.

Installé sur le lit du brun, vautré au milieu des PELUCHES de ce dernier (il s'était piqué un fourire d'une bonne demi heure en se rendant compte qu'elles étaient là), il passa une grande partie de sa journée à dévorer les mangas, à rigoler doucement en voyant les titres, et à noter avec amusement ceux qui étaient le plus lut (franchement, qui se serait attendu à ce que l'aîné des Sawada lise autant de yaoi à l'eau de rose ?...). Puis, vers le milieu de l'après-midi, après s'être assuré que tout était bien rangé et de nouveau à sa place, il alla se préparer un quatre heure (il mangeait peu ces derniers temps, la bouffe l'écoeurait) et retourna s'installer sur le canapé pour se lancer un Dvd tiré de la collection privée du Sawada.
Pour commencer, il se fit un petit film d'action, puis, tout en grignottant du bout des lèvres, il attaqua une série d'animes et finit par doucement par oublier l'heure au milieu d'un épisode de Code Geass.
Bientôt, une peluche serrée dans les bras, son quatre heure à peine touché, il se mit à somnoler.

En deux semaines, le rythme de Nico avait été bouleversé. Pas seulement le rythme, mais l'hygiène de vie aussi. Pour commencer, le matin, il mangeait. Oh, au début il n'avait pas vraiment fait confiance aux déjeuners de Vaëm...mais ayant osé une fois et n'en étant pas mort, il continuait, sans trop réfléchir. Ses rapports avec l'hôte avaient un peu évolué, dans la mesure où Nico n'ignorait plus son jouet pour s'en rappeler une semaine plus tard. Il le laissait même seul, ou avec Eïreï. Il savait, par le déplacement des livres, de la télécommande ou autres objets, que le jeune homme s'était créé un rythme de vie. Ca ne dérangeait pas l'héritier. Il gardait sa liberté de mouvement et ne devait pas sans cesse surveiller son joujou. Tout allait donc parfaitement. Trop. C'était devenu une sorte de routine. Il aurait dû se douter qu'un jour quelque chose allait bousculer cette sorte de calme.

Distrait, il était partit sans avoir vérifié que la fermeture de sa porte était effective. Il n'y aurait pas eu d'impact s'il n'hébergeait pas un fichu observateur. Toute la journée, l'impression d'oubli le tracassa, sans qu'il puisse déterminer ce qu'il avait oublié exactement. Absent, Nico laissa des petits poissons l'arnaquer avant de plus ou moins rectifier le tir. Il n'avait qu'une envie, rentrer chez lui. Le plus vite possible.

Il ne put pourtant se libérer que la nuit tombée. Peu avant dix heures. C'était déjà tôt, mais pas assez pour lui. Il bazarda ses affaires dans l'entrée, passant au salon sans noter Vaëm et sa peluche. La cuisine et son robinet d'eau fraîche lui tendait les bras, au point qu'il prit à peine le temps de saisir un verre. Le Sawada en vida rapidement un avant de siroter le deuxième, réfléchissant enfin à ce qui clochait.

La cuisine semblait en ordre...comme l'entrée...le salon était calme pour une fois, Vaëm dormait...d'ailleurs il était vraiment attendrissant avec cette pelu...peluche. Voilà ce qui clochait ! A grandes enjambées, le mafieux pénétra dans son salon, s'arrêtant juste avant de secouer Vaëm. Minute. Et si Eïreï l'avait offerte à l'hôte ?
Ses yeux tombèrent alors sur la boîte de Code Geass et Nico perdit toute couleur. Il arracha la peluche des mains du dormeur.

« Tu as été dans ma chambre !!!!! »

Sa main saisit rapidement les DVD et éjecta celui qui manquait avant de les ramener précipitamment dans sa chambre.

« Je t'avais interdit ! C'est privé ! PERSONNE n'entre dans ma chambre ! »

Paniqué à l'idée que Vaëm ait vu toute sa collection, Nico perdait le contrôle de sa voix et de sa retenue. « Ma peluche.... ». Le jeune héritier revint dans le salon où il avait laissé la dénommée et en profita pour éjecter son jouet du fauteuil.

« On ne touche pas à MES affaires, compris ! Interdit ! Interdit !!! »

Il commençait tout juste à dormir profondément lorsque Nico était rentré à l'appartement. L'esprit complétement empaté, il avait à peine fait attention au jeune homme, se contentant de se lover un peu plus dans le creux qu'il s'était formé au sein du canapé, le peluche bien calée dans ses bras, le DVD tournant encore vaguement dans le lecteur. Ca aussi c'était routine... même si d'habitude à cette heure là il prenait soins d'être dans sa chambre et non au beau milieu du salon avec les possetions de l'héritier sous la main.
Ses possetions ?

*Aïe...*

Le temps d'une dizaine de minutes (soit assez pour que le Sawada boive deux verres d'eau et que Vaem émerge de son sommeil) un calme silence régna dans l'appartement, et puis...
Et puis soudain Nico fut sur lui, lui arrachant la peluche des mains avec un rugissement de rage.

- Hey !

Ce fut la seule chose qu'il trouva à dire, la bouche ouverte sur une protestation a propos de la peluche qu'il voulait récupérer parce que maintenant il avait froid, avant de se faire couper la parole par un couplet furax.
Ah... oui... effectivement... c'était vrais... l'héritier ne supportait vraiment pas qu'on entre dans sa chambre. Aïe. Aïe aïe aïe...
Et puis son cerveau ensuqué réalisa que ce que l'attitude du brun avait de cocasse.
Il réagissait comme un enfant pris de panique parce que sa mère à découvert ses premiers magazines porno.
Un puissant rire de gorge monta dans sa poitrine.
C'était trop mignon.
Et trop ridicule.
Nico Sawada... en train de s'énerver comme un ado de 15 ans pour ses DVD et ses peluches...

Il ne put se retenir longtemps.
Même lorsqu'il se fit violement éjecter du fauteuil et qu'il se retrouva le cul par terre.
Il était MORT DE RIRE.

- T'avais qu'à pas laisser ta porte ouverte ! Môssieur je dors avec les peluches !

Il essuya des larmes de rire, retenant son envie de se tenir les côtes pour ne pas se pêter la gueule en arrière, et essaya vaguement de se relever en s'aidant du fauteuil.

- C'est trognon ! En plus elles sont toute douce ! Et puis en plus t'as des supers mangas ! T'es vraiment pas prêteur !!!

Et, toujours hillare, il sauta familièrement sur Nico pour lui faucher ses DVD et se percha sur le canapé en les agitant à bout de bras, les yeux brillants d'humour.

- Fallait pas laisser ta porte ouverteuuuh ! Petit petiiiit ! J'aime bien tes affaires moa ! Et en plus j'ai même pas de trucs à moi ! Tu serai plus prêteur ou plus gentil, je te les piquerais pas d'abord !

Abasourdi, Nico regarda Vaëm éclater de rire. Non...non...ça ce n'était pas la réaction normale. On s'aplatissait devant lui pour demander pardon ou on fuyait sa colère. Mais rire ? Seul un suicidaire s'y serait risqué. Et pourtant, même projeté à terre, l'hôte en était à pleurer des larmes de rire. Et il répliquait en plus !!!
Non...
A ce stade ce n'était plus de la réplique. Il se foutait ouvertement de sa gueule là !

« C'toi qui dormait à l'instant avec MA peluche !!! »

Réplique idiote et pourrie à souhait. S'en rendant aussitôt compte, Nico se renfrogna et sauta pour rejoindre Vaëm sur le canapé. Trop fort. Le meuble vacilla et les entraîna les deux par terre, le mafieux essayant toujours de récupérer ses affaires.

« Rends-moi ça ! »

Et son poing partit. Parce qu'il paniquait. Parce qu'il voulait ses affaires et que personne avant ne lui avait jamais dit non. La main fermée alla s'écraser sur le visage de Vaëm tandis qu'ils roulaient au sol.

« Et je ne vois pas pourquoi je te prêterai des trucs ! Déjà que tu me tutoies alors que tu devrai pas ! La porte était ouverte ? Et même ! Je suis Nico Sawada bordel ! T'entres pas dans MA chambre pour me faucher mes affaires !!! »

Se défendant des répliques de Vaëm, il renvoyait, se battant comme un garçon des rues, oubliant dans sa crise gamine son art des bagarres. Il allait montrer à ce freluquet à qui appartenait ces trésors ! Puis lui apprendre la politesse ! On ne piquait pas les peluches des gens comme ça. Plus que les DVD, Nico tenait à ses peluches, puis zut...ZUT ! On n'entrait pas dans sa chambre, point barre !

- Ouiii avec TA peluche !

Un sourire benois éclairait le visage de l'hôte entre deux cascades de rire.

- Elle est toute douce d'ailleurs ! C'est mignon, l'héritier des Sawada qui dors avec ça !

Moqueur, pris par le jeux, il s'était perché sur le canapé, les DVD hors de portée du brun pour le moment, le nargant tout en riant toujours, jusqu'à ce que le mafieux bondisse sur le canapé à son tour, les faisant tous les deux basculer en arrière. Le jeune homme tomba brûtalement avec un cri de surprise, se réceptionnant difficilement sur le sol avec une petite larme : son fessier était encore passablement sensible.
Cependant, son rire ne s'était pas encore éteind.

- Naaaaaaaaaan !!! Je gaaaaaaaaaaaarde !

Il éclatait de nouveau de rire... et se fit exploser les lèvres.
Bam.
Comme ça.
Le coup était partit sans prévenir.
Lui coupant la chique au passage.
Brièvement, il ouvrit de grands yeux choqués, laissant les dvd lui filer des mains, puis il sentit la colère le submerger d'un coup. De quel droit est ce qu'il faisait une chose pareille ? MERDE QUOI ! Y'en avait marre ! A chaque fois c'était la même chose ! Impossible de rigoler avec lui, il fallait toujours qu'il s'énerve et qu'il cogne dès que quelque chose le dépassait... ou lui déplaisait.
Ca... commençait... à suffire.
Vraiment.

Sa tête partie toute seule, heurtant avec violence le front du jeune homme tandis que le reste de son corps entrait lui aussi en action pour faire basculer la situation. De dominé, il devint dominant, et son poing alla à son tour s'écraser sur le visage de Nico.

- PUTAIN mais t'es CHIANT en fait ! C'était pour RIRE !!! Tu peux pas être MOINS COINSE des fois ????

Le temps de crier, et il se retrouvait de nouveau en position de faiblesse, encaissant les coups tout en en rendant un maximum, utilisant toutes ses connaissances de combat de rue pour mettre une grosse tanée au Sawada... ou du moins pour lui rendre coup sur coup.
Et il fallait avouer que ça lui faisait un bien fou.
Plus que jamais il avait besoin de se défouler. Surtout sur le brun.

Roulant sur le sol, les deux garçons continuèrent à se battre et Vaem se retrouva de nouveau en position de force, assit à califourchon sur le bassin de l'héritier il lui bloqua un bras sous son genou avant de lui balancer quelques droites tout en lui hurlant au visage :

- Je te tutoie si je veux bordel ! J'vois pas pourquoi je dirais vous à un merdeux de mon âge !!!! T'es Nico Sawada ??? ET ALORS ??? RIEN A FOUTRE BORDEL !!! Alors j'te fauche tes affaires SI J'VEUX !

Il arrêta un instant de cogner, essouflé, les mains posées de part et d'autre du visage du mafieux, ses yeux verts rivés aux yeux bleus, le visage déjà contusionné.

- Merde quoi... t'es pas drôle.

Le choc frontal le sonna légèrement. Suffisamment pour qu'il parte en arrière et lâche Vaëm, laissant à celui-ci la possibilité de dominer. Le second coup l'atteignit directement dans la mâchoire et il eut juste assez de conscience pour entendre Vaëm rager ? Coincer ? Qui ? Lui ? Non mais sans blague ! Qui refusait de coucher avec lui hein ?
....
Nico s'attarda un instant sur l'incongruité de cette pensée avant de se retourner pour rendre les coups reçus. Il était bien élevé, jamais une dette oubliée. Se battre ainsi, sans règles, sans devoir se contenir le soulagea de sa tension. Il se prenait une raclée et en mettait une à quelqu'un de son âge. Pas de rang. Juste des poings. Et un salon dévasté. Pour une peluche.

Finalement bloqué sous Vaëm, l'aîné Sawada encaissa les derniers coups, le visage déjà bien marqué. Il avait autant donné que reçu cette fois-ci, n'étant pas assez réfléchi pour élabore un simili de tactique. Soufflant, trempé de sueur et les yeux rendus brillant par l'excitation du combat, Nico fixa un instant les lèvres blessées qui venaient de lui balancer une incongruité de plus. Evidemment qu'il devait le vouvoyer ! Elles étaient vraiment belles ces lèvres....Il était Nico Sawada, l'héritier ! Vraiment belles...et avaient l'air douce...malgré la blessure...Nico ! Héritier !...dommage qu'elles soient blessées...

« Je ne suis pas un merdeux. Je suis...»

Secouant la tête pour se débarrasser d'une étrange envie, il balança un coup à Vaëm pour le faire lâcher puis se releva en titubant. Un bleu au bassin se rappela à son souvenir quand il voulu rajuster son pantalon et il grimaça, se penchant pour mieux voir les dégâts sur sa tenue. Mal lui en prit. Son pied droite s'était juste trop avancé et le fier héritier japonais se prit les pieds dans la célèbre peluche et tomba, droit sur Vaëm et ses lèvres.
....
Douces.
...
Fer. Sang.
....
Nico était perdu. Tétanisé. Immobile. Con. Ses lèvres ? Ravies.

Essouflé, sa poitrine montant et descendant avec peine, étirant son pull moulant déjà bien débraillé, il fixait donc Nico dans les yeux après lui avoir balancé qu'il n'était vraiment pas drôle dans son genre. Le mafieux, quand à lui, semblait encore trop essouflé pour parler, le visage aussi contusionné que le sien, son regard balayant son visage tandis que ses lèvres bougeaient vaguement pour dire quelque chose.
Lorsque les mots sortirent, l'hôte eut un soupir désespéré.

- Si t'es un merd...

Le coup le prit totalement au dépourvu et il se retrouva bientôt à rouler au sol tandis que son adversaire se relevait en titubant. Avec un gémissement contrarié, il acheva sa roulade pour s'étaler sur le dos, blasé, et passa délicatement les doigts sur la joue qui venait de recevoir le poing, ne pouvant retenir une grimace contrariée.

- Putain... t'es VRAIMENT pas drôle...

Désabusé, il poussa un soupir et laissa retomber son bras, trop fatigué pour bouger plus, et regarda le jeune homme se redresser, se rajuster et... trébucher. Sur la peluche.
Il ouvrit de grands yeux en réalisant OU il allait tomber.

*Non non non NOOOOON !*

Une masse lourde s'écrasa sur lui, lui coupant le souffle, et un objet dur lui heurta durement le front, le sonnant à moitié. Lorsqu'il reprit ses esprits, son crâne cognait attrocement contre ses tempes, lui filant une sacrée migraine, et l'air lui manquait.
Vraiment.
Pas seulement à cause du Nico qui pesait lourdement contre sa poitrine.
Non.
Parce qu'il avait les LEVRES sur les siennes.
C'était CA qui l'empêchait de respirer.
Et bordel, le mafieux semblait pas pret de le lâcher...

A vrais dire... vu son expression, il avait même plutôt ravi d'être là.
Et c'était pas tout à fait désagréable...
Les lèvres du Sawada étaient fermes, comme son baiser, et il aurait presque put accepter cette conclusion.
Seulement il voulait RESPIRER !

Attrapant les cheveux de l'héritier, il lui tira violement la tête en arrière, prennant une grande inspiration avant de lui coller une ENORME baffe en pleine poire.

- HE MERDE ! Tu pourrais demander la permition avant de t'en prendre à MES affaires !!

Un sourire filou étirait ses lèvres abimée.

- Et t'es lourd.

Il grimmaça.

- En plus ton coude me rentre dans les côtes.... ça fait mal.

Effectivement... le coude de l'héritier lui rentrait désagréablement dans les côtes, là où le pull remontait assez haut pour découvrir sa peau déjà en train de bleuir. Une petite moue passa sur son visage.

- Et mon chocolat refroidit... si tu l'as pas foutu par terre en courant après ta... (sourire) peluche ! (yeux qui pétillent de plaisir)

Un sourcil froncé avait accueillit le jugement de Vaëm. Bon, ben ça va ! Il avait compris qu'il n'était pas drôle ! Sa main était endolorie en plus ! Il avait trouvé le moyen de mal frapper...A cause de ces fichues lèvres, il en était sûr ! Puis d'abord, rien ne serait arrivé si cet hôte n'avait pas été fouiné dans sa chambre. Tout était donc de sa faute ! Le geste énervé, il ne tarda pas à trébucher....et à oublier le pourquoi du comment il était agacé.

Le goût du sang était..franchement bizarre, à la fois métallique et amer. Mais plus que le sang, c'est la texture des lèvres qui le chamboulait. Doux, souple, ferme, chaud...il n'arrivait pas vraiment à se fixer sur un qualificatif. D'ailleurs, il n'arrivait à rien. Les yeux écarquillés, Nico ne bougeait pas, son visage changeant malgré lui en une expression ravie.
Pas longtemps.

Ce fut bientôt ne grimace qui effaça le ravissement. Tiré par les cheveux, l'héritier ne tarda pas à se prendre une baffe magistrale. Et...Oh ça c'était le comble ! Qui ici avait piqué les affaires de qui ? Sans permission en plus !!!

« ...J'ai pas pris, j'ai gouté... »

La phrase était sortie toute seule et il eut un sourire amusé quand il s'en rendit compte. Non. Il n'allait pas être gêné. Que les pâquerettes aient cent pétales était plus probable. Enlevant son coude, il s'étala par terre, sur le côté. L'héritier était....raide. Observant Vaëm, Nico nota d'un air absent le sourire filou, et finit par sourire aux propos du jeune homme. Oui, évidemment, voir l'héritier Sawada, vingt-et-un ans, entouré de peluches devait être tordant.

« T'as vu l'heure ? Ton chocolat est froid depuis longtemps. »

Avec une grimace, le japonais se releva, baillant allègrement. Il avait faim, et pas la moindre du monde envie de travailler. Puis, maintenant que Vaëm connaissait son plus grand secret, rester froid lui semblait ridicule. Il se gratta la tête.

« J'vais faire à manger...t'en étais où dans code Geass ? »

Il regarda la peluche défraichie et déchirée. Poubelle...En plus il ne voulait pas d'une peluche touchée et manipulée par un autre. Se massant la mâchoire d'une main, il retourna dans la cuisine, se demandant ce qu'il pourrait bien cuisiner sans explosion. Son corps ressemblait suffisamment à un Stroumpf comme ça

La réponse de l'héritier l'avait complétement pris au dépourvu, le laissant séché sur le carreau, à respirer à petits coups, le ventre toujours à l'air. Comment pouvait-il oser lui sortir un truc pareil ?
Avec une moue boudeuse, il avait roulé sur le côté, face à son compagnon étalé sur le sol, une main sous la tête, l'autre sur le sol près de son visage. Non mais franchement ! A croire qu'il avait vraiment apprécié ! Sa moue boudeuse s'accentua un peu plus malgré les filouteries qu'il lançait sur le compte du mafieux, et il esquissa l'ombre d'un soupir contrarié. Vraiment... c'était du n'importe quoi.

- J'suis pas d'la bouffe.

Grognon, il le regarda se relever, mais se dérida bientôt lorsqu'il entendit le brun blaguer sur le chocolat froid.
Il grogna pour la forme.

- Non j'ai pas vu l'heure, tu m'as assomé avant...

Remontant ses jambes contre lui, il laissa passer le Sawada débraillé, puis tenta maladroitement de se relever, gémissant à chaques gestes : franchement, il avait quand même sacrément ramassé... ça faisait un mal de chien !
Se massant machinalement les mains, le ventre et les épaules, il entendit Nico passer dans la cuisine pour lui demander s'il avait faim, un minuscule sourire passant furtivement sur son visage lorsu'il nota le changement d'humeur du jeune homme : il semblait brusquement plus détendu, plus... lui-même en fait. C'était agréable. Très agréable. L'ambiance avait soudain perdu toute lourdeur.

- Viaaande si y'en a... et j'étais qu'au début !

Il se redressa, remis un peu d'ordre dans sa mise, et marcha un peu crispé jusqu'à la poubelle pour en extraire la peluche. La pauvre... elle avait pas mérité ça... vraiment pas. Berçant la petite chose dans ses bras, il s'eclipsa un instant dans sa chambre pour la cacher sous le matelat, se promettant de la réparer plus tard, et alla squater la douche pour se débarasser de la sueur et se délasser de la bataille. Baillant, il revint dans le salon habillé d'un jean déchiré et d'un débardeur large, les cheveux détrempés goutant sur ses épaules.
Il remit un peu d'ordre dans le salon puis alla s'encadrer dans la porte de la cuisine.

- Ca arrrriiive ? J'ai faaaim !

Avec un sourire, il détailla le jeune homme ammoché qui cuisinait, puis se rappella brusquement quelque chose.

- Euh... tu sais cuisiner ? Au fait ?... Tu veux pas plutôt... mh... aller t'asseoire pendant que je finis ?

Il était de bonne humeur. Oui oui.

Nico dissimula un rire à la moue boudeuse. Non, Vaëm n'était pas de la bouffe, il était bien plsu intéressant que ça. Voir beaucoup plus. Le grognement passa au-dessus de Nico. De toute manière, il n'avait fait que se venger de la perte d'une peluche. Les récriminations étaient rejetées....Et les gémissements aussi, malgré la légère inquiétude qui parcourut le Sawada.

« Il doit bientôt être minuit...fin onze heure, sais pas. »

Laissant l'hôte faire ce qu'il voulait, le plus vieux s'installa aux cuisines, s'improvisant cuisinier. Il n'avait jamais pris le temps d'apprendre...Jamais vraiment. A quoi servait le truc en bois déjà là...et puis comment mettait-on en marche cette cuisinière ?
....
Pourquoi les fabricants ne mettaient-ils JAMAIS de mode d'emplois ?

Nico se débattait avec les ustensils quand Vaëm revint avec son cri animal de famine. Le Sawada ne l'écouta pas, trop occupé à peler des carottes. Il n'avait pas repéré l'éplucheur aussi...
C'était si dur de cuisiner ?

« ...Je vais aller me doucher. »

Sautant sur l'occasion, il laissa la cuisine à Vaëm et fila vers la salle de bain, oubliant momentanément ses bleus. Longue douche. Très longue. Assez pour ne pas avoir à s'occuper du repas...et penser que des pop-corns, c'était bien aussi.

« Je fais des.... »

La boîte était vide ! Une expression de détresse profonde envahit Nico. Il saisit son téléphone. Pas de film sinon. Il refusait catégoriquement !!! Heureusement, le service d'étage était assez performant et il put obtenir son voeu rapidement.

« ....pop-corns. »

Ca il savait faire. Depuis gamin.

La désertion immédiate de la cuisine par le Sawada lui tira un nouveau rire. Décidément...
Eperduement amusé, il prit donc la place de l'héritier devant les fourneaux, rattrapant le massacre des carottes pour le transformer en salade toute à fait convenable avant de se mettre à faire cuire deux beaux steacks bien juteux dans du beurre tout en fredonnant. En parallèle, il mis des pommes de terre à revenir dans une poelle avant de les jetter dans le jus beurré de la viande.
Ignorant les douleurs qui vrillaient son corps, il se mit à se dandiner au rythme de sa chanson, dansant dans la cuisine tandis que le repas finissait de cuire et que Nico finissait de prendre sa douche.

Toujours dansant, il gagna le salon, débarassa les restes de son quatre heure, et entreprit de mettre la table sur la table basse avant d'y apporter la nouriture qui commençait sérieusement à embaumer l'atmosphère. Alors qu'il se laissait choire avec délice sur le canapé, le brun émergea de la salle d'eau en déclarant qu'il allait faire du...
pop-corn.
Ou du moins en commander.

Esquissant un sourire moqueur, l'hôte observa son patron s'occuper de ça tout en se prélassant sur le canapé, Nico Junior lové sur son torse (allez savoir d'où sortait encore ce chat ?). Lorsque le pop-corn arriva, il se leva d'un bond, bondit sur l'héritier, et lui raffla une pleine poignée de pop-corn afin de la faire disparaitre dans son estomac. Dansant de sa victoire il retourna se vautrer sur le canapé, grimmaçant un peu de rouleur, et tira machinalement une couverture sur lui, ayant froid entre ses épaules nues et ses cheveux trempés.
Il bailla à s'en décrocher la machoire.

- Mh... la bouffe est prête.

Il remonta ses jambes contre lui pour laisser un peu de place à Nico et se redressa, la couverture négligement jetée sur les épaules, et bailla de nouveau.

- J'espère que t'as vraiment faim, parce que j'ai trop fait là...

En fait, il n'avait envie que de la salade et de la viande... mais bon.
Bien au chaud dans sa couverture, il se carra un peu plus dans le canapé et lança un regard interrogateur à Nico.

- Tu viens ?...

Il hésita une seconde puis.

- ... On finit Code Geass ?...

Le niveau de pop-corn se fit amputer par une main voleuse qui déséquilibra assez le paquet pour provoquer une légère gesticulation du porteur. Un sourire amusé aux lèvres, celui-ci déposa le Graal des amateurs de films et s'affala aux côtés de Vaëm. Habillé d'un simple pantalon de soie blanche, il lorgna sur la couverture et en attrapa un bout pour ne pas geler complètement.

« Tu plaisantes, j'ai rien avalé depuis ce matin. »

En deux trois mouvements, son assiette fut largement remplie. Nico était tranquille, même si cette situation, nouvelle, le tendait un peu. Parler sans faire réellement attention à son langage, s'étaler sans se tenir droit, il goûtait à une liberté qu'il n'avait jamais eue qu'en présence de Ciaira ou Shine. Quelqu'un de son rang. Vaëm n'était qu'un garçon des rues...

A la demande, les yeux bleus brillèrent. Cet anime était un de ses préférés. Sans répondre, il abandonna son assiette pour aller rechercher les dvd rangés lors de sa colère. Ils allaient sans doute y passer la nuit car sans être interminable, le film n'était pas court. Insérant le disque dans le lecteur, il interrogea son cadet du regard.

« Tu en étais resté où ? »

Reprenant à l'endroit indiqué, il profita d'être debout pour attraper un T-shirt et se couvrir un peu. Le chauffage existait, mais la fatigue le faisait frissonner. A nouveau, il s'affala dans le canapé, finissant son assiette tout en ayant enclenché l'anime.

L'expérience était...étrange. Il restait sur ses gardes, se méfiant d'une tentative de rébellion soudaine, mais en même temps...l'atmosphère était agréable...Ils trempaient tous deux la couverture avec leur cheveux mouillés, le pop-corn descendait, comme l'eau, le diabolo...Nico formulait parfois les dialogues sans les prononcer, bougeant sans bruit les lèvres. Petit à petit, il se mit à rire aux passages comiques, oubliant un moment qui il était pour se plonger dans l'univers du Geass.

Il avait haussé un sourcil déconcerté lorsque l'héritier s'était posé comme une loque à ses côtés avant de lui piquer un bout de couverture, visiblement refroidit par ses cheveux humides et son torse nu. Un instant, il s'était sincèrement interrogé sur la raison de ce geste, cherchant le piège, l'entourloupe. Même s'ils étaient calmés, et que le mafieux semblait presque détendu, il ne pouvait que se méfier de ces gestes banaux qui, effectués par le Sawada, étaient juste totalement incongrus.
Jusqu'à ce qu'il se rende compte que si si... Nico avait bel et bien fait tomber l'amure.

Au début, ça le choqua tellement qu'il en resta coit, laissant le jeune homme se servire largement tandis que lui picorait du bout des lèvres, toujours perplexe. Il avait finit par poser la question sur l'anime, dans l'espoir qu'ils puissent le finir - c'est vrai quoi ! C'était con de rester sur sa faim si l'autre semblait disposé à dire oui ! - et avait vu les yeux du mafieux se mettrent à briller d'enthousiasme. Se gardant bien de faire le moindre commentaire risquant de faire fuir ces bonnes dispositions, il se cara un peu mieux dans son coin de canapé, acheva sa portion de bouffe, et indiqua l'endroit où il s'était arrêté, se laissant bientôt emporter par le dessin animé.
Au point de ne pas s'étonner en entendant une autre voix rire avec lui sur les passages drôles.

La nuit avançait, l'anime aussi, la nouriture descendait régulièrement - plus grâce à l'Héritier qu'à lui d'ailleurs - et une ambiance étrange s'était établie entre eux. C'était... presque doux. Voilà, c'était le mot. Doux. L'hôte avait l'impression de flotter dans une bulle intemporelle, comme s'il s'était brusquement retrouvé chez lui, posé tranquillement sur son canapé avec un compagnon de longue date.
Et il aimait ça...
C'était comme si toute la tension qui avait existé dans cet appartement, toute celle qu'il avait accumulé ces derniers temps, avait brutalement disparut au profit d'une graaande fatigue.
Et la nuit avançant, il se laissa aller à faire des choses qu'il n'aurait certainement jamais fais en temps normal.
Surtout pas en présence de Nico.

Déjà, il se leva pour aller chercher son chat, le gardant un long moment contre lui, ses doigts courrant machinalement dans la courte fourure grise de la petite bête, et son nez venant de temps en temps frotter la truffe de la bestiolle avec un léger sourire. Acro lui ? Non si peu...
Ensuite, il somnola plusieurs fois, écoutant la télé sans réellement y faire attention, savourant simplement l'instant.
Et puis... et puis il bascula doucement sur le côté, allant poser sa tête sur la cuisse de Nico, installé en chien de fusil, la couverture vaguement ramenée sur son corps, Frifri niché contre la poitrine au creux de ses bras. Il avait fait ça de façon parfaitement naturelle, sans même y penser, ses yeux verts mi-clos suivant toujours l'action à la télé alors même que son cerveaux avait décroché depuis longtemps au profit du mode automatique. Mode automatique qui plaçait les priorités dans cet ordre : confort, chaleur, attention, boire/manger. Et qui ne s'activait que lorsque le jeune homme se sentait parfaitement en sécurité.
C'est à dire pas souvent...
Et certainement pas ici en temps normal...

Les images passaient, éclairant le canapé où les deux jeunes hommes s'étaient tantôt installés. Depuis un moment, Nico avait été éteindre la lumière principale, ne laissant que les veilleuses au coin de la pièce allumées. Mauvais pour les yeux, mais excellent pour l'ambiance du dessin anime. La trame du film l'avait capturé depuis le début déjà, et il ne tilta pas aux mouvements de Vaëm, accueillant la tête sur ses genoux sans réellement y prêter attention. Son corps bougea de manière à avoir un position confortable et il tira un peu la couverture sur l'hôte, parce qu'elle menaçait de tomber et de les découvrir. Nico n'aimait pas le froid et lui préférait le chaud moelleux d'une couverture.

Même captivé, l'héritier ressentait la fatigue qui s'accumulait en lui, gentiment. Son corps se détendit un peu plus encore, ses mains tombèrent de leurs positions, celle de gauche se déposant sur le corps allongé de Vaëm. Sans arrière-pensées. Les derniers épisodes de la première saison arrivèrent avec un orage. La fin de la nuit approchait gentiment sans que les positions n'aient vraiment changés. Une fois de temps en temps pour changer de DVD, aller chercher de l'eau, grignoter...Pas vraiment de paroles échangées et un calme doux.

Il aurait voulu parler parfois, dans ces rares interruptions. Mais il lui semblait que le moindre mot briserait cet instant paisible. Un instant nouveau, que Nico assimilait à une soirée entre amis. Il ne savait pas ce que c'était. Entendre une autre voix rire avec la sienne le perturbait. Profondément...Ce n'était pas le rire plus aigu de Ciaira, ni celui, plus gamin, de Shine. Non, c'était un rire...masculin, franc...sans ironie ou sarcasme...pas celui d'Arkalya, trop maniéré...ni celui artificiel des autres hôtes. Pendant un long moment, Nico guetta ce rire, se désintéressant du dessin anime. Il voulait l'entendre...encore une fois. Pour comprendre. Et encore une autre...
Oui...
Sauf qu'avec la nuit, le rire s'était éteint, faute d'éveil. Ils s'endormaient...

"Vaëm...?"

Il avait osé. Sans que sa voix ne tremble ni rien. En paraissant sûr de lui, comme toujours. Enfin, il espérait. L'aurore s'installait entre deux gros nuages d'une pluie insistante. Le genre de temps qui incitait toute personne normale à rester traîner chez elle dans un lit ou un fauteuil avec un bon livre et du chocolat. Toute personne normale. Nico ne l'avait jamais fait. L'aurore lui annonçait une nouvelle journée de travail, rien de plus.

Il restait une saison de Code Geass à regarder...

S'il y avait réfléchit, Vaem aurait certainement trouvé la situation passablement étrange : pour commencer, Nico ne l'avait pas repoussé lorsqu'il était passé en mode "je te squate tu me tient chaud", et avait au contraire remonté la couverture sur lui, ensuite, malgré ses déplacements, il lui avait toujours permis de se ré-installer de la même façon, roulé en boule contre lui, Frifri niché dans ses bras ou lové contre le ventre du jeune homme, la queue sur le museau. Sa propre attitude était bizarre... si on lui avait dit qu'un jour il se conduirait comme ça en présence d'un homme dont il se méfiait comme la peste, il aurait rit...
Et pourtant...
Pourtant il restait niché contre Nico, les yeux mi-clos voir carrément fermés, l'épaule agréablement chauffée par la main qui y reposait, levant vaguement la tête lorsque le jeune homme se levait, et la reposant sur la jambe dès qu'il était réinstallé.

L'orage et la chaleur avaient finit par avoir raison de son attention. Il avait beau s'être découvert une passion pour Code Geass, il était complétement incapable de résister à un "nid" et à la possibilité de bien dormir. Aussi avait-il progressivement perdu le cours du film pour somnoler, souriant de temps en temps lorsque son compagnon riait tout seul devant l'anime. Bercé par les roulements de tonerre, il s'était laissé sombrer dans un sommeil léger qui l'avait amené a tourner le dos à la télé, un bras passé autour du ventre de Nico, le visage niché contre la peau dénudée de la hanche. Son souffle calme avait longuement balayé cette zone, jusqu'à ce que l'absence de roulement et le bruit plus régulier de la pluie le tire vers l'éveil.
Flottant entre deux eaux, il n'avait pas bougé, regardant vaguement la lumière du jour s'infiltrer jusqu'à l'endroit où ses yeux étaient nichés, abattut par une flemmardise absolument délicieuse...
Jusqu'à ce qu'il entende son nom.

Il frissonna.

La voix était calme, assurée, pas du tout en manque de sommeil... et lui paraissait même un peu froide.
Luttant pour ne pas quitter cette bulle de calme qu'ils avaient réussit à créer, se rattrapant aux dernières bulles de douceur planant autour d'eux, il releva vaguement la tête avec la mine d'une chaton froissé pour attraper le regard de Nico.

- Mh ?...

Son cerveau pédala un instant dans la semoule.
Dehors, il faisait un temps à rester couché.

- T'veux un café ?...

Il se redressa, s'étirant comme un animal, complétement ensuqué, et quitta le canapé, persuadé qu'on lui demandait bel et bien d'aller faire le petit dej. Quelques minutes plus tard, il revenait avec un pichet plein de chocolat chaud, deux tasses, un café serré et des brioches qu'il avait fait acheter pour les dimanches. Posant le tout sur la table basse, il retourna se lover contre le mafieux avec un grognement râleur à propos de froid, de dodo et de c'est pas une vie de se lever aussi tôt.
Après quelques secondes de silence, il ajouta.

- On regarde la suite ?...

L'héritier regarda Vaëm se lever, sans comprendre. Il n'avait pourtant rien demandé. ET cette question...? Pourquoi ce garçon était-il tout à coup si serviable ? Pourquoi faisait-il le déjeuner sans y être forcé ? Sans même râler ? Nico resta perplexe sur le canapé, à contempler la pièce où avait disparu son jouet. Un jouet bien mignon d'ailleurs.
...
Pourquoi n'en avait-il pas profité ? Si Vaëm était en de si bonnes dispositions, pourquoi ne pas avoir tout réclamé de lui ? Et puis ce baiser...

Il observa l'hôte revenir. Sans y faire réellement attention, se remémorant la nuit. Son bras se leva pour enlacer la taille à disposition, un réflexe qu'à nouveau il ne comprit pas. Regarder la suite ? Mais il devait travailler !
Ce mot remit tout en place. Travailler. Position sociale. Hiérarchie. Lui. Nico se redressa, se dégageant sans brutalité. Son visage était redevenu un peu plus maîtrisé, un peu moins lui.

« Regarde si tu veux...j'ai des choses à faire. »

Il ne pouvait pas revenir totalement en arrière. Cette nuit agissait comme un pare-feu, empêchant son masque de se construire entièrement. Ses bibliothèques avaient été découvertes. Il avait passé une nuit à regarde un anime. Comment redevenir l'Héritier ?

« Merci pour le déjeuner. »

Nico saisit une brioche et la grignota. Il se sentait...gêné. Comme la fois où Vaëm l'avait consolé. Comme à chaque fois qu'une information sur lui apparaissait pour le rendre moins dur et froid. Ses yeux bleus s'arrêtèrent sur l'hôte...un peu méfiants, un peu craintifs, remplis de morgue.

« Ne parle pas de ces bibliothèques. A personne. Personne ou presque ne le sait. Je te montrerai comment ouvrir ma chambre et la fermer sans risque. D'ailleurs, je ne comprends pas comment tu as fait pour ne pas avoir la plante des pieds carbonisée. Sûrement un problème technique. »

Ce baiser lui revenait sans cesse en tête. Il avait envie de recommencer. Une nouvelle friandise aux arômes encore inconnus. C'était...tentant. Sans s'en rendre vraiment compte, il offrait un peu de sa confiance à Vaëm. Pouvoir entrer dans sa chambre, à sa guise...
Peut-être devenait-il inconscient.
Ou faisait-il exprès pour attirer la confiance de l'hôte ? Cette solution sonnait bien mieux à ses oreilles. Il n'avait pas l'impression d'avoir un carillon fêlé hurlant au danger.
Je maîtrise la situation.

Il allait le prouver. Nico s'approcha de l'hôte, pour attraper le pichet de chocolat, et s'arrêta à mi-chemin pour voler un baiser au garçon.
Je maîtrise la situation.
Un baiser papillon. Rapide. Sucré. Du chocolat.

Le bras de Nico s'était enroulé autour de sa taille, naturellement, et il ne l'avait pas repoussé. Installé contre le mafieux, la tête calée au creux de son épaule, les yeux mi-clos, il prolongeait sa nuit après le court intermède "préparation de petit déjeuné".
Une douce odeur de chocolat et de café flottaient dans l'air...
Englué dans la délicieuse torpeur qui émanait de leur nuit, il proposa de ne pas bouger, de prolonger leur instant en finissant la série... et sentit son compagnon se raidir.
Un soupçon d'amertume fleurit au creux de sa poitrine.

Comme il le pressentait, l'héritier se redressa, le poussant avec douceur pour se dégager et se redresser.

« Regarde si tu veux...j'ai des choses à faire. »

- Ah...

Le jeune homme eut une petite moue boudeuse, déçu. Il aurait réellement souhaité prolonger cet instant... ne pas se heurter trop vite à la réalité. Fermant à demi les yeux, il poussa un soupir résigné et ramena la couverture sur ses épaules dénudées, se lovant dans le fauteuil et dans la chaleur de la place que Nico venait d'abandonner. Remontant ses genoux contre lui, il posa la tête sur l'accoudoir du canapé en étouffant un bâillement épuisé.
Il aurait bien roupillé une heure de plus...

L'Héritier le remercia pour le petit déjeuné, et il murmura un "de rien" à peine audible tandis que son cerveau brouillé de sommeil réalisait ce qui avait été dis un peu plus tôt.
Tu peux continuer à regarder... si tu veux.
Il lui laissait la liberté de regarder quelque chose lui appartenant.
Sans lui.
Bam la réalité.
Il secoua vaguement la tête.
Il devait encore rêver... c'était pas bien possiblement autrement. Passant une main fermée sur les yeux, comme un chat, il observa le brun grignoter une brioche du bout des lèvres avec une expression mal à l'aise qu'il lui connaissait bien. La dernière fois qu'il l'avait vu, il le tenait dans ses bras... et la suite ne s'était pas spécialement bien passé, tout bien réfléchit.
Un brin angoissé, il se redressa en position assise, resserrant plus étroitement la couverture sur ses épaules, et entrouvrit les lèvres pour argumenter avant même que l'autre ne commence, mais fut pris de vitesse.

« Ne parle pas de ces bibliothèques. A personne. Personne ou presque ne le sait. Je te montrerai comment ouvrir ma chambre et la fermer sans risque. D'ailleurs, je ne comprends pas comment tu as fait pour ne pas avoir la plante des pieds carbonisée. Sûrement un problème technique. »

Le garçon ouvrit de grands yeux surpris, puis un sourire ravis éclaira son visage. Au delà du fait de pouvoir accéder à une grande collections de livres et de DVD, c'était le fait de d'avoir le droit pénétrer l'intimité de l'héritier qui le ravissait. Enfin, au bout de trois longs mois d'enfermement, le mafieux se décidait à lui faire confiance, à lui ouvrir un peu les portes de son existence, à le laisser pénétrer dans un lieu qu'il réservait en temps normal à lui seul.
Il remonta ses jambes contre lui, essayant de dissimuler son air radieux.
Si ça continuait comme ça, il n'aurait peut-être pas besoin de s'évader pour être libre d'ici un an... parce qu'honnêtement, pour le moment, il avait aucunes envie d'essayer, vu son état.

- Promis.

Il esquissa une grimace boudeuse, ripostant pour la forme :

- Et je vois pas trop à qui je pourrait en parler... je croise personne.

Une petite moue toujours accrochée aux lèvres, il étira une jambe, se laissant aller en arrière, l'autre toujours cerclée de ses bras, et regarda le jeune homme se pencher pour prendre le pichet de chocolat... et se retrouva brusquement avec son visage à quelques centimètres du sien.

*Uh ?*

Ses lèvres s'entrouvrirent sur une question... et se retrouvèrent closent par un baiser.
Goût sucre.
Goût chocolat.
Doux...
Etonnant...

*Uuuuuuuh...*

Ses yeux s'étaient fermés d'eux-même, permetant à ses sens de mieux appréhender le contact des lèvres sur les siennes, leur forme, leur douceur...
Le contact se rompit, le laissant bêtement tout chose.
Etait-ce à cause de leur nuit ? A cause de la douceur qui les avait entouré ? De l'étrange complicité qui avait commencé à se tisser entre eux... ? Son coeur battaient étrangement vite, peu effarouche par le baiser, mais complètement chamboulé par l'initiative.

Avant même qu'il ne réalise ce qu'il était en train de faire, il avait tendu la main pour la poser sur la joue de Nico, stoppant ce dernier dans son geste de retrait. Lentement, un peu inquiet, il se redressa sans retirer sa main, la couverture glissant de ses épaules avec un bruit soyeux, et posa timidement ses lèvres sur celles de l'héritier. Il savait que ce dernier n'aimait pas les baisers mais... n'avait-il pas commencé ?
Et il se sentait assez en sécurité pour essayer...
Essayer de faire confiance...

Doucement, il s'appuya contre le brun, un bras replié entre leurs poitrines, l'autre main reposant toujours sur la joue un peu rêche du garçon.
Dans sa poitrine, son coeur battait la chamade angoissé de ceux qui ne sont pas sûrs de leurs faits...

Il fut surpris de ne pas être rejeté comme la veille, à vrai dire, il avait presque espéré que tout redevienne comme avant. Le jeu du « Je te déteste plus que toi. » Vaëm n'aurait eu qu'à résister pour que l'Héritier puisse le punir et affermir sa supériorité.
Mais non...
L'hôte encourageait...Surprenant Nico et le laissant perdu, à s'efforcer de rester sûr de lui. Il préféra se désengager en douceur pour fuir ce qu'il ne maîtrisait désormais plus. Une main le retint.

La conscience du jeune homme protesta. Jusqu'à ce que les lèvres se rencontrent une nouvelle fois, l'entraînant à nouveau dans l'univers qui l'effrayait et le fascinait. Le contact sur sa joue le rassurait un peu, lui permettant de garder un pied sur terre. A s'inventer des mensonges.
Maîtriser.
Maîtriser...
Maî....triser.
Ses jambes se déportèrent pour lui permettre une position plus confortable et il accueillit la pression du corps de Vaëm, sans trop se poser de questions. Elles viendraient plus tard. Nico était bien trop occupé à rester lucide. Ses tentatives devenaient de plus en plus obsolètes.
Puis il n'y eut plus rien.

Le jeune mafieux détourna vite fait la tête, se versant une tasse de café pour se redonner une contenance. Du café...sans chocolat. Il détestait ça. Au moment de boire, le Sawada se rendit compte de son erreur et se força à avaler le breuvage avant de se lever. Une fausse contenance collée au visage.

« Je vais travailler... »

Désorienté, il passa la porte de sa chambre pour prendre des dossiers. Qu'est-ce qu'il s'était passé, juste là ? Nico se mordit doucement la lèvre inférieur. Ce n'était pas bon...pas correct. Ses yeux partirent un peu rêver au souvenir du baiser.
Et pourtant...
Il secoua la tête et s'installa à son bureau. Il lui fallait de la logique et du rationnel pour oublier cet...il ne savait même pas comment l'appeler.

Non....
Non.
Ce n'était juste pas possible de travailler dans ces conditions. Il allait aller vers Vaëm lui dire que tout ça n'était qu'une démonstration de possessivité, d'appartenance puis...non...ça ne tenait pas la route. Le premier baiser aurait pu satisfaire à cette raison. Mais le deuxième tenait de l'initiative de l'hôte. Ca n'avait aucun sens.
Pourquoi ne l'avait-il pas frappé ?

Ses mains démêlèrent les mèches noires de ses cheveux. La tête baissée sur son travail, Nico n'arrivait pas à trouver de solutions. Pour la première fois depuis ses seize ans. Pour la première fois en face d'une autre personne que son père.
Bordel...
Il ne pouvait quand même pas y aller à l'instinct ! Se présenter devant Vaëm sans plan, sans répliques !
...
Oui mais....là...il n'avait juste pas d'idées.

Résolu à affronter le hasard, il sortit de sa chambre pour aller chercher le garçon qui lui posait tant de problèmes. Pas devant la télévision. Ni dans sa chambre.
Un curieux bruit lui parvint de la salle d'entraînement et il s'y précipita. La limite était franchie. Vaëm était allé trop loin dans l'insubordination. D'abord sa chambre, ses dvd, ses lèvres !, et maintenant son matériel ? Non.
Ce jeu était allé trop loin.

« Vaëm ! Je peux savoir qui t'as autorisé à user de cette salle ?!? »

Ses yeux n'étaient pas aussi froids qu'à l'habitude. Ils vacillaient un peu pour noter des broutilles. La brillance de la peau sous la lumière, les cheveux humides...Tout ce qu'il aurait ignoré en temps normal pour mieux hurler sur Vaëm.
Oui, mais il ne pouvait plus.

Il... avait prit l'initiative. Il avait prit le risque...
Il avait approché ses lèvres de celles de l'Héritier. Il avait effleuré sa joue. Il avait glissé sa bouche contre la sienne.
A ce moment là, il aurait été prêt à s'abandonner.
Vraiment.
A aller plus loin.
A s'offrir... parce qu'à ce moment là il l'aurait voulut. Réellement.

Mais Nico s'était détourné.
Brisant le charme...

Le jeune homme s'était lentement laissé retomber sur le canapé, songeur, tandis que son compagnon se servait un café serré (chose plutôt inhabituelle d'ailleurs). L'instant de grâce avait passé, il ne restait plus au fond de lui qu'un gouffre immense de perplexité. Pourquoi... avait-il fait ça ? Pourquoi, après tout ce qu'il s'était passé comme violence entre eux...
Impossible de le savoir.
Lorsque le Sawada se redressa, annonçant qu'il allait travailler, le jeune homme resta un moment la bouche ouverte, puis baissa simplement la tête, silencieux.
La porte claqua derrière le mafieux.
Il poussa un profond soupir. Cette relation... c'était vraiment du n'importe quoi. Franchement, qu'est ce qui lui prenait de faire ce genre de chose ? Nico était l'HERITIER de la mafia. Un espèce de fou psychopathe qui passait son temps à lui taper dessus parce qu'il avait autant de capacité d'adaptabilité qu'un enfant de 12 ans... et lui il se laissait aller à l'embrasser ? Envisageait même le fait de coucher avec lui ??
N'importe quoi.
Vraiment n'importe quoi.

Agacé contre lui-même, voir carrément en colère, il était allé prendre une douche glacée pour se secouer les neurones, puis avait enfiler un jean usé avant de filer dans la salle d'entraînement. Un bon combat... voilà qui allait le calmer. Et le dégourdir des crampes de leur bataille de la veille.
En passant dans la salle de bain, il avait pu noter que de beaux hématomes commençaient de nouveau à fleurir sur sa peau, et ça l'avait vaguement fait sourire. Pas une semaine ne passait sans qu'il n'en récolte de nouveau. Et la plupart étaient mérités. Plus ou moins. Enfin presque.
Bref.
Après avoir machinalement passé les doigts sur la cicatrice de la brûlure de cigarette qui ornait toujours sa poitrine, il avait traversé le salon sans se soucier d'éteindre la télé - petite vengeance puérile - avant d'entrer dans la chambre d'entraînement. Après avoir bidouillé un peu pour retrouver son entraînement quotidien, il avait commencé à jouter, se détendant progressivement au fur et à mesure que son corps se mouvait.
Ça faisait du bien...

Jusqu'à ce qu'une voix furieuse vienne lui vriller les tympans.
Il arracha le casque de son visage, ses cheveux humides dansants dans la manoeuvre.

- Personne, répondit-il d'une voix agressive, Faut bien que je m'occupe ! Je m'emmerde enfermé tout seul ici ! Et puis ça fait des semaines que je m'en sert sans que ça dérange qui que ce soit, tu vas pas commencer à me taper un caca nerveux parce que tu viens de t'en rendre compte !!

Il jeta sèchement le casque sur le sol tandis que la colère enflait en lui, sans raison. Comme si la pression de sa captivité n'avait attendu que ce moment pour s'exprimer. Sa peau humide, bien plus pâle que la première fois qu'ils s'étaient rencontré à cause du manque de soleil, luisait agréablement sous la lumière crue de la pièce.

- Qu'est ce que tu crois ? Que je passe sagement mes journées assit sur un lit en attendant que tu rentre ? Que ma vie s'arrête du moment que t'as sortit ton cul de cet appartement ??? Comment je fais moi pour pas tourner dingue dans cette cage hein ??? Je saute par la fenêtre ?? Bah non, je t'empreinte ton PUTAIN de matériel pour éviter de te fracasser la gueule à chaque fois que tu rentre ! Et si ça te dérange, eh bien va te faire voir !!!

Nico avait reculé d'un pas devant la véhémence de l'hôte. Il était venu sans plan...laissant les choses au hasard. Sa confiance en lui était déjà bien ébranlée par le baiser précédent et ces cris ne l'aidèrent pas. Etait-il réellement aussi odieux ? Egoïste ? Vaëm brossait un portrait que l'héritier peinait à assimiler. Non...il avait toujours été attentif à son entourage. A ses frères...
Oui, mas le reste ?

Reculant d'un autre pas, le jeune Sawada se rendit compte de la froideur avec laquelle il traitait ses subordonnés, de son ton méprisant, son intolérance. De sa méchanceté. La frayeur dans les yeux des gens...il n'était qu'un monstre. Non ? Une machine à tuer, à obéir à la mafia. Et il le savait. Depuis le début.

Nico observa le casque par terre, légèrement abimé. Ce n'était pas grave, il en rachèterait un, voilà tout...Ses yeux remontèrent sur le corps en sueur, s'attardant sur la brûlure. Dieu qu'il haïssait ce type. Mais ce n'était rien comparé à lui. L'héritier des Sawada. Joli titre pour un kit de torture et de tuerie. Avait-il seulement fait quelque chose de bien de sa vie ?

« Désolé. »

Ses mains agrippèrent le casque et le rendirent à Vaëm. Nico ne savait plus du tout où il en était. Les questions existentielles tombaient...les une après les autres, comme si brutalement sa crise d'adolescence le rattrapait. Bien sûr qu'il s'était déjà posé toutes ces questions, mais elles étaient enfouies si profondément dans son mépris de la faiblesse, qu'il les avait oubliées.

« Je vais aller me faire voir par un steak. Défoule toi bien. »

L'habitude de l'ironie et du sarcasme...Même déstabilisé, sa réaction tenait de ses deux outils favoris. Un bouclier et un couteau. Avec une bonne dose d'assurance pour seules rations. Réfugié dans sa cuisine, Nico oublia un instant qu'il ne savait pas cuisiner et fouilla sur le net pour rechercher les consignes convenables. Il s'occupait l'esprit, tout en ne pensant qu'aux paroles de Vaëm.

Ne jamais faire deux activités différentes. Ou en tout cas, ne jamais être absorbé par ses pensées durant une cuisson. Surtout lorsque l'univers de la cuisine relève de l'inconnu. Et que la poêle vient de perdre la protection en bois. Saisissant d'une bonne poignée celle bouillante, Nico lâcha immédiatement l'instrument qui s'offrit le malin plaisir de venir s'écraser sur son pied dans un beau vacarme.

Il n'avait pas crié. Étrangement les incidents les plus douloureux étaient ceux durant lesquels il restait muet. Un peu sonné, ou juste amorphe, Nico observa sa main et son pied sans bouger. L'idée d'aller se soigner lui traversa l'esprit, mais il ne la retint que quelques instants plus tard.

La colère qui bouillonnait dans ses veines, impatiente de sortir, ravie à l'idée de pouvoir se colter un peu avec l'héritier, - cette fois avec une bonne raison, l'une des siennes -, et d'enfin pouvoir laisser exploser la frustration et le ressentiment qui couvaient en lui depuis plusieurs semaine déjà, se trouva mouchée comme une mauvaise bougie lorsque les lèvres de l'héritier s'ouvrirent sur une excuse.
Une excuse.
Un "Désolé".
Il ne s'y attendait pas.
Vraiment pas.
Il s'attendait à de la colère. A des coups. A une bagarre et des mots durs.
Mais pas à ça.
Non.

Les bras ballants, la bouche légèrement entrouverte de surprise, il avait regardé Nico se baisser pour ramasser le casque abimer et le lui rendre sans un mot, avec le visage plus expressif et en même temps plus égaré qu'il ai jamais montré. Incapable de dire quoi que ce soit, trop surprit et choqué par ce qui venait de se passer pour réagir, il referma légèrement les doigts sur l'appareil, le gardant au bout de son bras sans réellement y prendre garde.

« Je vais aller me faire voir par un steak. Défoule toi bien. »

L'hôte pinça les lèvres, ses yeux verts s'enflammant brièvement de colère à cette répartie pour finalement se détourner avec humeur tandis qu'il tournait le dos à l'héritier quittant la pièce. Hey bien OUI, qu'il aille se faire voir par un steak tient ! Ou même par n'importe qui !! Il n'avait pas à se sentir coupable de lui avoir dit ce qu'il pensait.
Remettant le casque, il entreprit de retrouver la séquence interrompue par l'arrivée intempestive de Nico. Il allait l'activer lorsqu'un grand barouf venant de la cuisine le fit sursauter.

- Mais c'est pas vrai ! Ce con y est VRAIMENT allé ??

Arrachant de nouveau le casque, il traversa la salle avec humeur, grommelant pour lui-même combien l'héritier était le dernier des abrutis congénitaux. Après quelques mois de vie commune avec ce dernier, il avait réalisé que le mafieux était aussi doué pour la cuisine qu'un poisson pour le piano, sans parler de toutes les autres tâches manuelles pour lesquels il n'avait pas reçu des années de formation - soit à peut près tout ce qui constitue la vie d'un humain normal comme la plomberie, le bricolage et ce genre de choses.
Glissant légèrement sur le sol à cause de ses pieds humides de sueur, Vaem gagna rapidement la cuisine pour découvrir un héritier à l'air sonné, une main recroquevillée contre la poitrine, visiblement brûlée, et un pieds dans un état tout aussi lamentable. Sur le sol, une poêle tordue laissait échapper ses entrailles de viande et de sucs sur le carrelage immaculé.

Un instant, un long instant, il fut tenté de tourner les talons, de le laisser se débrouiller avec sa connerie et ses brûlures.
Puis il poussa un soupir et enjamba la poêle pour rejoindre l'héritier.

- Met ta main sous l'eau abrutit.

Fermement, mais avec une certaine douceur, il empoigna la main du jeune homme pour le guider jusqu'à l'évier. Là, il fit couler de l'eau et passa la paume en dessous tout en observant la brûlure. C'était pas très grave... mais ça allait lui faire mal et risquait de l'handicaper quelque temps.
Il poussa un grognement contrarié.

- Quand on sait pas faire la cuisine, on s'abstient bordel ! Est-ce que je m'amuse à tirer avec un flingue moi ?!

Légèrement agacé, il lui ordonna de garder la main sous l'eau le temps qu'il aille chercher du tulle gras et une bassine d'eau dans la salle de bain. Quelques secondes plus tard, il revenait avec son matériel et lui enjoignait de mettre son pied dans l'eau le temps qu'il s'occupe de sa main.
Il n'avait aucunes raisons d'agir ainsi...
Sauf peut-être pour éviter que Nico soit encore de mauvaise humeur.
Parce que là, il lui casserait réellement la tête, à l'héritier...

« J'allais le faire, crétin. »

Les mots vifs contrastaient étrangement avec le regard perturbé que renvoyaient les iris bleus. Nico se laissa guider et contempla sa paume rougie tout en essayant de ne pas s'appuyer sur son pied. L'eau coulait, coulait ,coulait....Et coulait. Vaëm état parti...Ah non, il revenait. Pourquoi ? Pourquoi faisait-il toujours ça ? Hurler puis aider...Le Sawada était certain que l'hôte le haïssait, alors pourquoi l'aidait-il bon dieu de bonsoir ?

« Tu devrais apprendre. »

A tirer. Docilement, il avait mis son pied dans la bassine, sans avertir Vaëm qu'il aurait peut-être fallu enlever la chaussette avant. En réalité lui-même ni avait pas pensé. Puis de toute manière la chaussette était bonne pour la poubelle. La tulle grasse entouraient petit à petit sa main douloureuse...une main dont il avait grand besoin. Pour se battre, pour écrire...Il ne pouvait plus rien faire sans...

« Pourquoi tu fais ça ? Tu me déteste. »

Nico se sentait...vide. Peut-être qu'au final la poêle était tombé sur son crâne. Ses yeux tournèrent autour de la pièce sans déclencher une réaction. Rien ne lui faisait envie, pas une réplique. Il n'était même pas tenté de disputer Vaëm.
Non...
Plier ses doigts lui faisait mal...Il allait finir sa journée devant un écran. La télévision sûrement. Avec de quoi manger. Il avait faim. Ou plutôt non...il n'avait pas faim. Il se sentait lourd, engourdi, sans aucun plan d'action.

Il poussa un soupir agacé.

- Mais oui mais oui, dans une heure ou deux ?

Il avait donc déserté les lieux pour revenir rapidement les bras pleins de tulle gras, de bandes, et d'une bassine d'eau froide. Après avoir forcé l'héritier à mettre le pied dans l'eau, sans retirer la chaussette, de peur que la peau n'ai collé à la laine - il valait mieux l'assouplir avant de risquer de retirer le vêtement, histoire de ne pas l'arracher - il s'était occupé de la main. D'abords, la sécher, délicatement, avec un torchon propre, puis y appliquer de la biafine, juste une mince couche, et entourer la paume de tulle, avant de bander le tout, tout en récriminant contre la bêtise qui avait poussé le mafieux à cuisiner alors qu'il ne savait pas faire.
La remarque sur le fait d'apprendre à tirer lui tira un sourire de loup désabusé.

- Oui bien sûr... parce que tu me laisserai faire peut-être ?

Il secoua la tête, son agacement augmentant d'un cran, comme lorsqu'il se retrouvait à soigner les bêtises de ses frères et soeurs et que ces derniers faisaient comme s'ils n'y étaient pour rien. Ses doigts experts achevèrent un noeud tout à fait convenable, et il indiqua à Nico de s'asseoir tandis qu'il posait un genoux à terre pour s'occuper du pied.
Il était en train de retirer délicatement la chaussette détrempée, faisant attention à ne pas aggraver la blessure, lorsque le jeune homme posa une question qui le déstabilisa.
Le talon du mafieux au creux de la main, la chaussette dans l'autre, il leva ses yeux verts sur le visage qui le surplombait, incapable de répondre toute de suite.

Il poussa un soupir et baissa les yeux.

- Je sais pas. Probablement parce que tu es un abrutit congénital...

Ses doigts passèrent doucement sur le dessus du pied, s'assurant que la blessure n'était pas trop grave : la poêle avait laissé un bel hématome et la peau était seulement rougie, peut-être brûlée au premier degrés, mais sans plus. Il passa délicatement du voltarène sur la contusion, puis de la biafine sur la blessure tout en réfléchissant.
Finalement il haussa les épaules.

- Ou probablement parce que j'aime pas voir les gens souffrir. Et que ça m'aurais fait chier que tu fasse un foin pas possible tout le reste de la journée pour une simple brûlure.

Il relâcha le pied, ne jugeant pas utile de le bander ou de mettre du tulle gras, et écarta la bassine d'eau pour que le mafieux puisse se lever sans trébucher dessus. Après avoir vidé cette dernière dans l'évier et s'être rincé les mains, il se tourna de nouveau vers Nico.

- Evite de bouger ta main...

Il se rapprocha pour prendre la dite main dans les siennes, vérifiant que le bandage tenait bien. Il la garda un instant, puis plongeant son regard dans les yeux vides de son compagnon.

- Et je ne te déteste pas, t'y peux rien si t'es un con de mafieux conditionné pour être con jusqu'au bout des doigts, je hais simplement le fait d'être enfermé, cloîtré comme un animal qu'on peut oublier quand ça nous arrange et dont on se rappel de temps à autre quand ça nous arrange.
Il haussa de nouveau les épaules.

- Va t'allonger, faut reposer ton pied, j'vais rattraper les dégats et puis... peut-être que je te ferai un steak sans cyanure.

Il se laissait manipuler et en tirait une étrange satisfaction. Lui qui normalement détestait recevoir de l'aide, ne se sentait nullement dérangé d'obéir à Vaëm. Docile, il s'était assis au signe, puis n'avait fait que d'écouter. Nico aimait bien écouter l'hôte parler, dire des bêtises monumentales. Puis surtout, il devait bien avouer que s'entendre traiter de la sorte le soulageait un peu aussi. Qui donc aurait osé le traiter de « Con de mafieux » ? Ciaira peut-être...
Peut-être.

Comme un animal...mais n'était-ce pas ce qu'il était ? Vaëm n'était qu'un jouet. Un amusement qu'on délaissait puis reprenait lorsque l'ennui gagnait. Ou devait-il être plus que ça ? Le jeune mafieux observa l'oiseau en cage et se rendit compte qu'il était déjà bien plus qu'un simple joujou. L'hôte parlait, donnait son avis, et n'était absolument pas à sa botte. Malgré tout ce temps, le caractère de Vaëm résistait...et le fascinait.

Sa main blessée se resserra autour de celle de son compagnon, l'empêchant de se relever tout de suite. Ce n'était pas une poigne sévère ou méchante, Vaëm aurait pu s'en débarrasser à sa convenance. Nico ne savait absolument pas ce qu'il faisait. Depuis le matin même, il n'écoutait plus que ses impressions, celles-ci oscillant d'un bord à l'autre. Pour l'instant, il ne voulait pas que l'hôte s'éloigne de lui. Il n'avait pas non plus envie de violence...pas de cris...Juste du calme si c'était possible.

Doucement ses lèvres se posèrent une fois encore sur celles de son cadet. Par intuition, comme ça, sans plan. Les yeux bleus chaviraient lentement et se fermèrent un court instant avant qu'il ne s'écarte.

« Je t'apprendrais...Ca m'évitera au moins le déshonneur de mourir empoisonné par un steak. A moins que laisser un abruti congénital t'enseigner quelque chose te dérange.»

Vaëm se rendait-il seulement compte à quel point il était chanceux ? Insulter plusieurs fois l'héritier Sawada relevait d'un suicide assuré. Pour une personne normale.

Sans plus rien dire, les idées à l'ouest malgré l'entraînement qui lui permettait de garder une stature sûr de lui, Nico s'en fut dans le salon. Sans protester, il s'allongea, acceptant, pour une fois, de s'offrir une journée de congé. Il remit le film là où il l'avait quitté tôt le matin puis serra l'oreiller à disposition. Repos.

Il avait sentit la main se refermer fermement sur la sienne, et il s'était figé, le corps tendu, aux aguets de la moindre surprise désagréable. Au lieux de ça, ses yeux n'avaient rencontrés qu'un visage vide et un regard fatigué, presque épuisé, qui l'avait déstabilisé plus fortement que n'importe quel cri ou coup qu'on aurait pu lui porter.
Pour la première fois depuis une éternité, Nico se révelait sous son jour de simple être humain, et cela l'incita à ne pas se dégager, tandis que sa méfiance elle-même se délitait. Depuis le premier jour, il se battait pour ces instants, pour déloger à grands coups de claques et d'hurlements l'Humain caché sous l'armure de glace que la mafia avait forgé autour de l'esprit de l'Héritier. Il savait qu'il y avait quelqu'un là dessous, une personne à part entière, autre que le mur froid et calculateur contre lequel tout le monde se heurtait... et qu'atteindre cette personne était le seul moyen d'avoir la vie sauve.

Intuitivement, il savait que le calme présidait ces instants de vie, et que pour quelques temps, l'un comme l'autre, ils n'auraient plus à s'affronter, lui pour exister, l'Héritier pour le dominer. Il en ressentait un réel soulagement.
Au point que toute la fatigue de la nuit précédente lui tomba brutalement sur les épaules, le faisant légèrement vaciller.

C'est alors que leurs lèvres se touchèrent.
Il en resta coi.

Abasourdit, il ne fit pas un geste pour repousser Nico, plongeant son regard vert dans les saphirs qui chavirèrent légèrement, faisant écho à son propre épuisement, et resta sans bouger, sans rien dire, lorsque leurs bouches se séparèrent.
Distraitement, il effleura ses lèvres tandis que le mafieux partait en disant quelque chose qu'il n'assimila pas tout de suite, trop sonné par le fait que c'était leur troisième baiser en moins de 24h pour réagir.
Quelque chose ne tournait pas rond.

Secouant la tête pour s'éclaircir un peu les idées, le jeune hôte entreprit de ranger un peu la cuisine et nettoyer les dégâts avant de remettre de la viande à cuire. Assit sur la chaise que Nico venait de quitter, il tenta tant bien que mal de trouver une logique dans ce qui venait de se passer avant d'abandonner pour aller se chercher un gilet : la sueur sur son corps finissait de sécher, parsemant sa peau de frissons glacés.
Lorsqu'il revint dans le salon, ce fut avec le repas du mafieux et l'impression étrange d'évoluer dans une autre réalité : son "patient" était sagement allongé sur le canapé, devant un film, et un silence ouaté régnait dans l'appartement, à peine troublé par les répliques du film se déroulant à la télé.

Après avoir déposé l'assiette devant Nico, Vaem alla se réfugier dans un fauteuil, les jambes remontées contre lui, ses doigts passant nerveusement sur ses lèvres encore un peu humide de leur baiser.

- C'est vrai ? Tu m'apprendra ?

Sa voix mal assurée dénotait d'une incrédulité qu'il avait du mal à dissimuler : pourquoi lui apprendre les armes, à lui alors qu'il pouvait représenter un danger ?...